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Sarcoïdose
Plan :
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1°) Généralités : |
La sarcoïdose est une affection systémique granulomateuse qui touche de nombreux organes.
Elle atteint avec prédilection l'appareil respiratoire et les voies lymphatiques, mais peut affecter la peau, la synoviale, l'os, le cœur, le rein et le système nerveux central.
Il s'agit d'une maladie très protéiforme, qui survient en général chez un sujet jeune.
Dans 70% des cas, elle survient autant chez l'homme que chez la femme, entre 25 et 45 ans.
Dans 30% des cas, elle survient dans la cinquantaine avec une nette prédominance féminine.
Son incidence est estimée entre 15 et 22 nouveaux cas pour 100.000 habitants par an.
L'incidence est multipliée par 4 chez les afro-américains par rapport aux caucasiens et, chez eux, la maladie est plus disséminée et les localisations extra-thoraciques sont plus fréquentes.
La sarcoïdose serait liée à une réaction immunitaire incontrôlée à des antigènes non encore identifiés.
Cette réaction immunitaire serait responsable du développement dans les tissus touchés de granulomes épithélioïdes et gigantocellulaires, sans nécrose caséeuse.
Il existe des cas familiaux.
2°) Clinique : |
La radiographie thoracique est pathologique dans 86 à 92% des cas.
Les anomalies sont fréquemment évocatrices, surtout du fait de la latence clinique.
La radiographie peut mettre en évidence des adénopathies hilaires et médiastinales, bilatérales et symétriques, volumineuses, non compressives, parfois calcifiées.
Il peut exister une atteinte parenchymateuse, le plus souvent nodulaire ou réticulo-nodulaire, bilatérale et symétrique, prédominant sur les régions supérieures et moyennes des poumons.
Plus rarement, on retrouve une atteinte parenchymateuse fibreuse, avec rétraction des lobes supérieurs et ascension des hiles.
Les anomalies thoraciques sont classées en 4 stades d'intérêt pronostic :
Stade I : adénopathies isolées, sans signe radiologique d'atteinte pulmonaire ;
Stade II : adénopathies, associées à une atteinte pulmonaire non fibreuse ;
Stade III : atteinte pulmonaire non fibreuse, sans adénopathie ;
Stade IV : signes radiographiques de fibrose pulmonaire.
La TDM complète les informations de la radiographie thoracique, du fait de sa plus grande précision.
* Atteinte articulaire aigue :
L'atteinte articulaire aigue est fréquente (8-12% des sarcoïdoses), en particulier chez la femme.
Il s'agit de polyarthralgies et de polyarthrites symétriques des petites et moyennes articulations, touchant en particulier les chevilles, les genoux, les coudes, les poignets et les petites articulations des mains.
Elles sont fugaces, migratrices, additives, parfois symétriques.
Elles apparaissent rapidement dans l'évolution de la maladie et s'intègrent souvent dans un syndrome de Löfgren.
Ces arthrites aigues peuvent faire discuter des arthrites réactionnelles.
L'atteinte articulaire aigue se présente parfois sous la forme d'une oligoarthrite aigue (peu fréquent) ou d'une monoarthrite aigue (exceptionnel).
* Atteinte articulaire chronique :
L'atteinte articulaire chronique est très rare (0,2%).
Elle touche surtout les noirs, de sexe masculin.
Elle survient le plus souvent dans des sarcoïdoses anciennes, avec des manifestations viscérales multiples, en particulier pulmonaires et cutanées.
Il s'agit de polyarthrites ou d'oligoarthrites des grosses et moyennes articulations, d'apparition souvent progressive, qui évoluent par poussées entrecoupées de rémissions.
Les monoarthrites sont rares.
Toutes les articulations peuvent être touchées et peuvent être détruites.
Par ordre de fréquence décroissante les articulations pathologiques sont les chevilles, les genoux, les poignets et les articulations des mains.
Ces arthrites peuvent faire discuter une polyarthrite rhumatoïde.
* Atteinte synoviale et tendineuse :
Les manifestations péri-articulaires sont fréquentes et souvent associées à des polyarthrites (75%), en particulier dans les atteintes chroniques.
Les ténosynovites touchent plus les tendons extenseurs des doigts que les tendons fléchisseurs et se localisent parfois aux poignets et aux chevilles.
On retrouve quelquefois une tendinite d'Achille.
* Manifestations osseuses :
Les manifestations osseuses de la sarcoïdose (1-15%) se rencontrent avec une légère prédominance chez la femme, d'âge moyen (30-50 ans), en particulier chez les sujets noirs.
Elles sont rarement révélatrices et surviennent habituellement au cours d'une sarcoïdose ancienne, en association avec d'autres atteintes viscérales, surtout pulmonaires et cutanées.
Elles peuvent toucher tous les os, mais surviennent essentiellement au niveau des mains et moins fréquemment des pieds.
Elles sont le plus souvent asymptomatiques et se présentent dans plus de 50% des cas sous la forme d'une dactylite sarcoïdosique avec gonflement des tissus mous péri-osseux.
- Dactylite :
C'est l'atteinte osseuse la plus fréquente.
Il s'agit de granulomes intra-osseux qui touchent surtout les mains (90% des localisations osseuses de la sarcoïdose), en particulier sur les 2èmes et 3èmes phalanges, de manière bilatérale et symétrique.
Elle est moins fréquente sur les phalanges proximales, les métacarpiens, les poignets et les pieds (ostéite de Perthes-Jungling).
On peut objectiver une infiltration des tissus sous-cutanés, responsable d'une déformation en saucisse ou en radis et d'un pseudohippocratisme digital.
La peau en regard est parfois violacée, cyanotique et les ongles fendillés.
Quelquefois, le patient décrit des douleurs et une raideur articulaire, surtout s'il existe des acro-ostéolyses.
Les lésions ostéolytiques se compliquent parfois de fractures pathologiques.
L'atteinte des pieds est superposable à celle des mains.
L'évolution est souvent favorable, avec résolution progressive des douleurs.
- Autres localisations osseuses (rares) :
L'atteinte du crâne est le plus souvent isolée et asymptomatique, découverte par des clichés radiographiques qui montrent des lacunes de taille variable à bords nets du crâne.
Au niveau de la face, on peut retrouver une lyse des os propres du nez, associée à un lupus pernio de la base de la pyramide nasale.
Exceptionnellement, il peut exister une atteinte des autres os de la face et de la base du crâne.
L'atteinte du rachis prédomine essentiellement sur la jonction thoraco-lombaire.
Elle est le plus souvent asymptomatique, mais il existe parfois des douleurs et une raideur rachidienne.
Elle touche surtout les patients jeunes et noirs.
L'atteinte du bassin est classiquement associée à des douleurs.
L'atteinte des os tubulaires longs est souvent asymptomatique.
Elle peut se compliquer de fractures pathologiques.
Elle survient surtout chez les sujets noirs.
Elle se localise essentiellement sur le 1/3 proximal et distal des os (en particulier l'avant-bras près du poignet).
La sarcoïdose peut toucher tous les os, et en particulier on peut retrouver une atteinte associée des côtes, du sternum, de la clavicule ou du calcanéum.
On décrit trois formes d'atteintes musculaires :
- Une forme diffuse (la plus fréquente), à type de myopathie chronique, souvent peu douloureuse, qui touche surtout les ceintures, avec parfois amyotrophie et contractures musculaires.
On la rencontre chez les femmes âgées de 50-60 ans.
- Un syndrome myositique, avec myalgies diffuses et parfois contractures et hypertrophie musculaire.
Il est surtout proximal et symétrique et touche les patients de moins de 40 ans.
On retrouve un syndrome myogène à l'EMG.
- Une forme nodulaire (la moins fréquente), avec des nodules parfois palpables, localisée essentiellement aux membres inférieurs, avec parfois des contractures et des myalgies.
L'atteinte des organes hématopoïétiques est fréquente, à type d'adénopathies périphériques et d'hépatosplénomégalie.
L'atteinte cutanée est fréquente (10-35%), à type de lésions non spécifiques (érythème noueux) ou de lésions spécifiques (sarcoïdes, lupus pernio).
Les sarcoïdes sont des lésions infiltratives enchâssées dans le derme, de couleur brun violacé, indolores et non prurigineuses.
Le lupus pernio est une lésion en placard rouge ou violacé de la face.
L'atteinte ophtalmologique n'est pas rare (20%).
On observe des nodules sarcoïdosiques de la conjonctive, une choriorétinite ou une uvéite antérieure.
Il s'agit d'un signe de gravité de la maladie.
L'atteinte des glandes salivaires est présente dans 10% des cas.
Il peut survenir une néphrocalcinose (5-10%) et une lithiase urinaire (1%).
Plus rarement, on peut retrouver des manifestations viscérales sévères, cardiaques, rénales, neurologiques (nerfs crâniens, paralysie faciale).
Il existe également des signes généraux, à type d'altération de l'état général, avec anorexie ou perte de poids.
3°) Biologie : |
Au cours de l'atteinte articulaire aigue, la CRP est parfois augmentée.
Dans le syndrome de Löfgren, il existe un syndrome inflammatoire modéré et une augmentation du taux de l'enzyme de conversion chez 50% des patients qui n'est pas spécifique.
Ce syndrome est souvent associé avec les antigènes HLA B8 et DR3.
Il existe une anergie tuberculinique dans 60 à 80% des cas.
Au cours de l'atteinte articulaire chronique, on peut retrouver des auto-anticorps et en particulier des facteurs rhumatoïdes (10-47% des cas).
Des anticorps anti-nucléaires peuvent également être retrouvés (4-34% des cas).
Le liquide articulaire a une cellularité variable (> 1000 éléments/mm3), souvent à prédominance lymphocytaire.
La biopsie synoviale met en évidence un granulome épithélioïde et gigantocellulaire, sans nécrose caséeuse.
Au cours de l'évolution de la maladie, un syndrome inflammatoire biologique est inconstant.
On peut mettre en évidence une anémie hémolytique, une lymphopénie, une thrombopénie auto-immune, une hypergammaglobulinémie, une hypercalciurie (40%) et une hypercalcémie (5%).
La phosphorémie et les phosphatases alcalines sont normales.
Parfois, on met en évidence une augmentation de la 1-25 dihydroxyvitamine D3.
On retrouve une majoration de l'enzyme de conversion de l'angiotensine.
Dans les atteintes musculaires, on met parfois en évidence une augmentation des enzymes musculaires.
La biopsie musculaire montre un granulome épithélioïde et gigantocellulaire, sans nécrose caséeuse.
4°) Examens radiologiques : |
On peut également retrouver sur les clichés conventionnels une acro-ostéosclérose touchant surtout les dernières phalanges (phalanges ivoire) et un élargissement du foramen nourricier d'une phalange (sensibilité 50%, spécificité 90%).
5°) Scintigraphie osseuse : |
Le protocole d'examen comprend le plus souvent une acquisition dynamique centrée sur les zones périphériques douloureuses ou radiologiquement anormales.
Le balayage corps entier est systématique.
Une acquisition TEMP/TDM est systématique, en particulier sur les lésions axiales.
Dans les arthrites liées à la sarcoïdose, on objective une au temps tissulaire et au temps osseux en regard des articulations touchées.
Cette hyperfixation, souvent symétrique, touche les petites et moyennes articulations, et en particulier les chevilles, les genoux, les coudes, les poignets et les petites articulations des mains.
Dans l'atteinte osseuse, on observe une hyperfixation tissulaire et osseuse qui touche préférentiellement les doigts, et en particulier la 2ème et la 3ème phalange, de manière volontiers symétrique.
La fixation au niveau des orteils est moins fréquente, mais est semblable à celle des mains.
On peut d'autre part observer des foyers d'hyperfixation sur les os longs, le crâne, le bassin, les côtes, les corps vertébraux ou les sacro-iliaques.
Cinti et Coll ont montré la réversibilité des anomalies de fixation après traitement corticoïde.
Au niveau du rachis, les foyers d'hyperfixation prédominent sur le corps vertébral.
L'atteinte touche parfois plusieurs vertèbres et se localise classiquement sur le rachis thoracique.
Parfois, la scintigraphie osseuse montre de multiples foyers d'hyperfixation sur le squelette axial et le squelette appendiculaire qui peuvent faire discuter des métastases osseuses.
Un aspect en léopard ou en panda a été décrit et serait très évocateur de la sarcoïdose.
Des calcifications tissulaires avec fixation scintigraphique ont été décrites (vaisseaux sanguins, tissus mous péri-articulaires, poumons, estomac, reins, myocarde, peau, muscles squelettiques).
La TEMP/TDM localise les foyers d'hyperfixation en regard des articulations ou des pièces osseuses pathologiques.
Elle montre en regard de ces foyers, des lésions osseuses ostéolytiques, parfois entourées d'une ostéosclérose réactionnelle, avec destruction de l'os spongieux et quelquefois de la corticale ou des plages d'ostéocondensation.
La scintigraphie osseuse n'est classiquement pas indiquée de façon systématique dans la sarcoïdose.
Cependant, elle peut avoir un intérêt pour explorer les manifestations osseuses de la maladie.
Il s'agit en effet d'un examen très sensible, plus performant que la radiographie conventionnelle.
Les foyers d'hyperfixation sont classiquement plus nombreux et plus étendus que les anomalies radiologiques.
L'hyperfixation, certes non spécifique, permet un diagnostic précoce de l'inflammation et de la présence de granulomes.
Par ailleurs, la scintigraphie osseuse peut orienter un geste de biopsie.
Chez les patients dont la sarcoïdose n'est pas connue, la distribution particulière des foyers d'hyperfixation et leurs caractéristiques planaires et TEMP/TDM peuvent orienter le diagnostic.
La scintigraphie au Citrate de Gallium (67Ga) montre les atteintes extra-osseuses (peau, adénopathies, poumon, rate, glandes salivaires et lacrymales, muscles).
La fixation des lésions osseuses est plus médiocre.
Dans les atteintes musculaires, la scintigraphie au gallium met en évidence une fixation musculaire.
La tomographie d'émission de positons au 18F-Fluorodéoxyglucose montre une hyperfixation non spécifique en regard des lésions de la sarcoïdose.
6°) Evolution : |
L'évolution est spontanément favorable en 12 à 36 mois chez 50% des patients.
La maladie est mortelle dans 0,5 à 5% des cas, le plus souvent par insuffisance respiratoire (fibrose pulmonaire), hémoptysie foudroyante (aspergillose), insuffisance cardiaque ou atteinte neurologique sévère.
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