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Syndrome SAPHO et ostéomyélite multifocale chronique récidivante
Plan :
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L'acronyme SAPHO signifie : Synovite, Acné, Pustulose palmo-plantaire, Hyperostose, Ostéite
Le syndrome SAPHO est un syndrome apparenté aux spondylarthropathies, qui associe à des degrés divers des signes cutanés et des signes ostéo-articulaires.
La présence de toutes les composantes du syndrome est inconstante (70%).
L'élément fondamental est l'ostéite inflammatoire théoriquement aseptique.
La prévalence du syndrome SAPHO est mal connue.
Il s'agit d'une affection peu fréquente qui survient essentiellement chez l'adulte jeune entre 30 et 50 ans et atteint les femmes autant que les hommes.
Il semble cependant exister une prédominance masculine en cas d'acné et une prédominance féminine en cas de pustulose palmoplantaire.
Il est rare après 60 ans.
Chez l'enfant, il se présente essentiellement sous la forme d'une ostéomyélite multifocale, aseptique, récurrente.
Il existe des formes familiales.
Son évolution se fait par poussées entrecoupées de rémissions.
La liaison avec l'antigène HLA B27 est peu marquée.
Sa pathogénie ferait intervenir une infection torpide à germes peu virulents (propionibactérium acnes?) et un terrain (groupe HLA B27?).
2°) Clinique : |
Selon la topographie des lésions, le patient peut présenter des douleurs osseuses, une tuméfaction des parties molles, une diminution de la mobilité articulaire.
Certaines lésions peuvent être asymptomatiques.
L'évolution est très variable, d'une à deux poussées inflammatoires jusqu'à une maladie presque continue avec développement de nouvelles lésions successives.
Cette ostéite est en général récidivante localement ou plus généralement sur une autre côte.
- L'atteinte du rachis concerne principalement l'étage dorsal.
En général l'atteinte rachidienne est associée à d'autres atteintes ostéo-articulaires.
Elle se présente sous la forme de rachialgies inflammatoires ou mixtes, parfois associées à une irradiation radiculaire tronquée et à une raideur.
Parfois le rachis est asymptomatique et les lésions sont découvertes sur les clichés radiographiques ou sur la scintigraphie osseuse.
- Les articulations sacro-iliaques sont touchées dans 13 à 50% des cas.
L'atteinte est unilatérale dans la moitié des cas et s'associe le plus souvent à d'autres manifestations ostéo-articulaires.
Les patients décrivent des fessalgies inflammatoires irradiant parfois jusqu'au genou (trajet L5 ou S1).
- L'atteinte des os longs associe un tableau d'ostéites ou d'ostéo-arthrites aseptiques, le plus souvent multifocales.
Chez l'adulte, ces lésions sont assez rares.
Les os les plus fréquemment touchés sont le tibia et le fémur.
Les os atteints sont sensibles, siège d'une tuméfaction avec érythème en regard.
Il existe quelquefois un fébricule.
- L'atteinte articulaire périphérique est faite d'arthrites périphériques qui sont assez fréquentes (23 à 44% des SAPHO).
Elles se présentent le plus souvent sous la forme d'une mono ou d'une oligoarthrite asymétrique, non destructrice, d'évolution habituellement régressive en 1 à 2 mois (coudes, genoux).
L'atteinte de l'interphalangienne distale est rare.
Elles peuvent représenter la seule manifestation rhumatismale détectable.
Parfois, le tableau est celui de polyarthralgies sans arthrite vraie, dans un contexte de myalgies et de syndrome fébrile.
Dans la majorité des cas, l'évolution se fait sur un mode chronique et donne parfois lieu à une atteinte érosive.
- Les enthésopathies périphériques sont relativement peu fréquentes, le plus souvent à type de talalgies.
3°) Biologie : |
Il n'existe pas d'anomalie spécifique.
Le syndrome inflammatoire est plus ou moins net.
Le groupe tissulaire HLA B27 est retrouvé dans 15 à 30% des cas.
Le liquide articulaire est de type inflammatoire, riche en polynucléaires, stérile et ne contient pas de cristaux.
4°) Examens radiologiques : |
- Les clichés radiographiques montrent une ostéocondensation et une hypertrophie des pièces osseuses, touchant en particulier l'extrémité interne des clavicules, le sternum et parfois les côtes.
Les pièces osseuses sont épaissies, hyperdenses, avec parfois des plages claires d'allure lytique.
Les articulations sterno-claviculaires sont généralement irrégulières, avec parfois des ossifications exubérantes des enthèses.
Le manubrium sternal prend parfois un aspect épaissi et condensé.
Dans les formes complètes, on peut observer un véritable bloc sterno-costo-claviculaire.
On peut également retrouver des ostéites condensantes costales focalisées.
- Le scanner permet une étude plus fine et montre :
Une ostéite avec ostéocondensation fibrillaire souvent importante et homogène des os affectés avec épaississement des travées osseuses ;
Une hyperostose, habituellement associée à l'ostéite qui se traduit par une prolifération osseuse volontiers exubérante, avec hypertrophie osseuse, ossifications ligamentaires, notamment du ligament costo-claviculaire ;
Des érosions des articulations sterno-claviculaires, sterno-costales ou manubrio-sternale fréquentes, habituellement secondaires à l'ostéite ;
Une ankylose secondaire à l'arthrite ou à l'hyperostose qui est fréquente, en particulier dans les régions sterno-costales ;
Une tuméfaction des parties molles, notamment à la partie postérieure du manubrium sternal, liée à une inflammation non spécifique, qui peut déplacer ou thromboser les veines adjacentes (sous-clavières).
- L'IRM à un stade précoce ou lors des poussées inflammatoires met en évidence une réaction oedémateuse de l'os spongieux et des parties molles adjacentes.
- Sur le plan radiologique, on observe trois types de lésions souvent combinées :
Une spondylite vertébrale, qui se traduit par une ostéosclérose vertébrale (ostéocondensation focale) qui réalise au maximum un tableau de vertèbre ivoire (à différencier de métastases ostéocondensantes). L'ostéolyse vertébrale à prédominance antérieure peut être une forme initiale du syndrome ;
Une spondylodiscite inflammatoire, qui se traduit sur le plan radiologique par un flou du disque inter-vertébral avec érosion des plateaux vertébraux adjacents leur donnant un aspect irrégulier (à différencier d'une spondylodiscite infectieuse) ;
Une hyperostose vertébrale, avec ossifications vertébrales fines réalisant des syndesmophytes, ou avec des ossifications vertébrales plus épaisses (parasyndesmophytes) rappelant l'hyperostose squelettique diffuse idiopathique.
- L'IRM met en évidence un hyposignal T1 avec rehaussement après gadolinium et un hypersignal T2.
Elle peut éliminer un processus infectieux qui présente habituellement une diffusion plus grande de l'œdème aux corps vertébraux et aux tissus péri-osseux.
Au total, les clichés radiographiques permettent très souvent le diagnostic lorsqu'ils montrent une condensation osseuse, une hyperostose exubérante, une atteinte érosive ou ankylosante des amphiarthroses.
Cette association est en effet évocatrice, surtout s'il existe une atteinte de la paroi thoracique antérieure, du rachis et du bassin.
Le scanner met en évidence les remaniements trabéculaires osseux et les érosions.
L'IRM permet d'analyser les lésions inflammatoires de la moelle osseuse et peut parfois éliminer une hypothèse infectieuse ou tumorale.
L'atteinte du bassin et les arthrites périphériques ne sont habituellement pas observées chez l'enfant.
5°) Scintigraphie osseuse : |
- L'atteinte des articulations sacro-iliaques, souvent unilatérale, peut se présenter sous la forme d'une hyperfixation parfois intense, parfois associée à une hyperfixation intense de l'aile iliaque adjacente en rapport avec une ostéite.
On peut par ailleurs retrouver une hyperfixation de la symphyse pubienne.
La TEMP/TDM précise les foyers d'hyperfixation et objective une sacro-iliite modérée et parfois une ostéocondensation contiguë qui prédomine sur son versant iliaque, qui peut atteindre l'os iliaque en masse ou sous la forme de plages d'ostéocondensation (aspect très évocateur).
Enfin, elle peut mettre en évidence des enthésopathies ossifiantes du bassin et une ostéocondensation de la symphyse pubienne.
- Au niveau du rachis, on peut observer de multiples hyperfixations souvent intenses des vertèbres qui prédominent sur le rachis thoracique.
La mise en évidence de multiples foyers d'hyperfixation peut faire évoquer des métastases osseuses vertébrales.
En début d'évolution, les foyers d'hyperfixation vertébraux sont beaucoup plus discrets et souvent localisés au rachis thoracique (SAPHO2a2).
La TEMP/TDM objective souvent, en regard des foyers d'hyperfixation, une ostéosclérose des corps vertébraux thoraciques qui réalise parfois un tableau de vertèbre ivoire (spondylite condensante).
Ces foyers d'hyperfixation se localisent sur le rebord antérieur des corps vertébraux en début d'évolution (SAPHO2c).
L'imagerie hybride peut mettre en évidence une aspect de spondylodiscite.
Inoue et Coll ont proposé d'utiliser la tomographie d'émission de positons au 18F-Fluorodéoxyglucose pour distinguer les lésions inflammatoires actives des lésions chroniques sclérotiques dans le SAPHO. Cet examen ne montrerait de captation du FDG que dans les lésions actives.
- La scintigraphie osseuse détecte les arthrites inflammatoires avant même que les modifications morphologiques ne soient objectivées par les clichés radiographiques, au niveau des petites et des grosses articulations des pieds, des chevilles, des genoux, des hanches, des sacro-iliaques, des épaules.
Elles se traduisent par des foyers d'hyperfixation asymétriques localisés aux articulations pathologiques.
En TEMP/TDM, l'hyperfixation articulaire s'associe à des lésions d'arthrites périphériques, généralement non destructrices et habituellement associées à une ostéite condensante contiguë qui est évocatrice.
- Les ostéites, le plus souvent multifocales, se présentent comme des hyperfixations intenses aux trois temps de l'examen, qui touchent préférentiellement les métaphyses et les diaphyses fémorales distales et tibiales proximales et plus rarement la fibula, l'humérus, le radius et l'ulna et parfois la mandibule.
On peut observer parfois des ostéites costales isolées récidivantes, touchant les premières côtes (SAPHO3a).
La TEMP/TDM montre, en regard des foyers d'hyperfixation des ostéites, des plages d'ostéocondensation, un épaississement cortical et trabéculaire, un élargissement de l'os et parfois, une ostéolyse pseudo-tumorale (SAPHO3b).
- On objective parfois des enthésopathies (calcanéum) qui se présentent sous la forme de foyers d'hyperfixation au niveau des talons.
Ces lésions peuvent être mieux précisées par la TEMP/TDM.
- Les ostéites, le plus souvent multifocales, se présentent comme des hyperfixations intenses aux trois temps de l'examen, qui touchent préférentiellement les métaphyses et les diaphyses des os longs des membres inférieurs (fémurs, tibias), plus rarement la clavicule et le rachis.
L'imagerie TEMP/TDM montre en regard des foyers d'hyperfixation des lésions d'ostéolyse, rapidement associées à une ostéocondensation péri et intra-lésionnelle et à une hypertrophie osseuse.
6°) Critères de diagnostic : |
Prise isolément aucune lésion n'est pathognomonique.
C'est l'association des différents types de lésions qui est évocatrice de la pathologie.
Dans les ostéites, la biopsie osseuse est réalisée à visée anatomopathologique et bactériologique en cas de doute.
Elle nécessite une biopsie profonde.
Au stade de début, elle montre une ostéite non spécifique avec granulome inflammatoire polymorphe.
A un stade évolué, on retrouve une fibrose médullaire avec parfois un aspect pseudo-pagétique.
Habituellement, on utilise les critères de Khan pour l'inclusion dans le SAPHO (une seule des trois entrées suffit) :
1 - une ostéite chronique multifocale, stérile, qui atteint le thorax, le rachis et le bassin, sans lésion cutanée ;
2 - une atteinte articulaire aiguë ou chronique associée à des lésions cutanées (pustulose palmo-plantaire, psoriasis pustuleux, acné sévère ou hydrosadénite) ;
3 - une ostéite mono ou polyostotique stérile associée à des lésions cutanées (pustulose palmo-plantaire, psoriasis pustuleux, acné sévère ou hydrosadénite).
7°) Associations : |
Une association avec une maladie de Crohn ou une rectocolite hémorragique a été rapportée.
Caravatti et Coll ont décrit l'association d'un syndrome SAPHO et d'une maladie de Behçet chez une jeune femme.
8°) Bibliographie : |
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