Rhumatismes inflammatoires chroniques - Introduction
Dans les maladies articulaires inflammatoires et tout particulièrement dans la polyarthrite rhumatoïde, un diagnostic précoce et la mise en route d'un traitement efficace peuvent arrêter l'évolution clinique de la maladie et le processus de destruction osseuse (Backlaus 1999).
Les premiers signes locaux à apparaître sont les modifications inflammatoires articulaires à type de synovites (hypertrophie synoviale et épanchement articulaire) et de ténosynovites.
Secondairement, et parfois très rapidement, des lésions osseuses à type d'érosions apparaissent (Backlaus 1999).
Dans les spondylarthropathies, l'inflammation se localise plus volontiers au niveau de l'insertion des ligaments et des tendons (Baillet 2011).
Il est bien difficile de comparer l'efficacité des différentes techniques d'exploration des arthrites inflammatoires.
En effet, chaque technique a vu apparaître des progrès rapides et considérables.
Ces progrès n'ont pas été intégrés dans les différentes études, déjà anciennes, qui ont comparé la radiographie conventionnelle, la scintigraphie osseuse, l'échographie et l'IRM.
De plus ces études portaient sur des séries de patients relativement limitées et parfois hétérogènes.
Il semble toutefois établi que l'échographie et l'IRM ont une place importante dans le diagnostic des arthropathies inflammatoires.
Cependant, ces deux examens nécessitent un matériel adapté et des médecins entraînés (Chevalier 2002) (Baillet 2011).
Sur le plan clinique, les articulations douloureuses sont gonflées, sensibles au toucher et présentent une diminution de l'amplitude des mouvements.
Dans les spondylarthropathies, on observe très souvent des douleurs axiales, rachidiennes, thoraciques antérieures et des articulations sacro-iliaques.
Une limitation articulaire, avec une période de dérouillage est classique au début.
Tardivement on observe une ankylose articulaire.
La radiographie conventionnelle est systématiquement réalisée dans le bilan des arthrites.
Elle visualise les signes précoces osseux que sont les érosions, mais ne détecte pas l'inflammation de la membrane synoviale qui est le signe le plus précoce.
Il a été montré qu'elle était moins sensible que l'évaluation clinique, la scintigraphie osseuse trois temps, l'échographie ou l'IRM, pour détecter les lésions inflammatoires des tissus mous, ainsi que les processus destructifs articulaires chez les patients avec arthrites des mains (Backlaus 1999) (Baillet 2011).
Dans les spondylarthropathies, les signes radiographiques sont tardifs.
Ils apparaissent environ 5 à 7 ans après le début des premiers signes cliniques (Wakefield 2004).
L'échographie articulaire à haute fréquence détecte les modifications inflammatoires précoces à type de synovites et de ténosynovites et évalue les érosions osseuses (Bresnihan 2004).
Elle serait plus sensible que l'IRM dans la détection des synovites et des ténosynovites, mais moins performante que l'IRM pour le diagnostic des érosions osseuses (Backlaus 1999) (Backlaus 2002).
Dans les oligoarthrites, Wakefield et Coll mettent en évidence des synovites infracliniques chez environ 2/3 des patients, ce qui conduit à reclasser la symptomatologie en polyarthrites chez 1/3 des patients (Wakefield 2004).
La mise en évidence d'une inflammation articulaire infraclinique pose par ailleurs le problème de l'évaluation de l'évolutivité de la maladie articulaire (Bresnihan 2004).
Dans les spondylarthropathies, l'échographie permet l'exploration fine des enthèses et de visualiser le processus inflammatoire synovial (Wakefield 2004).
Au début, l'enthésite, se traduit par un épaississement du tendon qui a une structure hétérogène.
A un stade plus avancé, l'échographie objective les érosions de l'os sous-chondral et les enthésophytes.
La réaction inflammatoire, analysée en mode doppler, se traduit par une hypervascularisation prédominant à l'insertion corticale de l'enthèse.
Ces images sont retrouvées chez 98% des patients porteurs d'une spondylarthrite avérée.
L'échographie permet d'évaluer la sévérité de la synovite sur les petites articulations dans le rhumatisme psoriasique, mais également dans les formes périphériques de spondylarthrite ankylosante (évaluation semi-quantitative).
L'IRM est plus sensible que la radiographie conventionnelle pour détecter de façon précoce les arthrites destructrices.
Elle détecte les modifications inflammatoires précoces à type de synovite et de ténosynovite.
Elle évalue le cartilage et montre les érosions osseuses plus précocement que la radiographie, en particulier au niveau des petites articulations des mains (Backlaus 1999) (Backlaus 2002).
Dans les arthrites indifférenciées, l'IRM a une haute sensibilité pour la détection des modifications inflammatoires et destructrices observées dans les maladies articulaires inflammatoires (Østergaard 2005). Elle est plus sensible et surtout plus précoce que la radiographie conventionnelle pour la détection des érosions osseuses dans la polyarthrite rhumatoïde.
Elle est plus sensible que l'examen clinique pour la détection des modifications des tissus mous inflammatoires (synovite, ténosynovite, enthésites).
La mise en évidence d'un œdème osseux et d'érosions osseuses a une valeur prédictive pour une progression des anomalies radiologiques.
Dans la polyarthrite rhumatoïde, les signes de l'inflammation sont plus souvent dans la membrane synoviale qu'au niveau de l'insertion des ligaments et des tendons (enthèses) (Baillet 2011).
Dans les spondylarthropathies, les signes de l'inflammation sont plus souvent au niveau de l'insertion des ligaments et des tendons qu'au niveau de la membrane synoviale.
Les lésions inflammatoires se traduisent par un œdème sous-chondral et sous-ligamentaire, une synovite et une inflammation ligamentaire.
Ces anomalies sont présentes avant que n'apparaissent les atteintes structurales osseuses.
Dans le diagnostic précoce des sacro-iliites, l'IRM est plus performante que la tomodensitométrie et la scintigraphie osseuse.
Elle permet un diagnostic précoce de sacro-iliites inflammatoires avec une sensibilité et une spécificité de 90%.
Dans les formes périphériques de spondylarthropathies, l'IRM cible les grosses articulations et en particulier la hanche.
Elle objective l'inflammation synoviale, l'épanchement intra articulaire, l'œdème sous-chondral et sous-ligamentaire.
La scintigraphie osseuse trois temps a une haute sensibilité, mais une faible spécificité dans le diagnostic de l'inflammation articulaire.
Elle est plus sensible que l'examen clinique et que la radiographie conventionnelle.
Dans un travail comprenant 60 patients (840 articulations des doigts), porteurs de plusieurs types d'arthrites (polyarthrite rhumatoïde, spondylarthropathies, connectivites, oligoarthrites indifférenciées), Backlaus et Coll ont montré que la scintigraphie osseuse trois temps était pathologique chez 31/32 patients sans signe radiologique d'arthrite destructrice de la main ou du poignet (262 articulations ; 58%) et chez 26/28 patients présentant des érosions radiologiques au niveau de la main ou du poignet (220 articulations ; 56%) (Backlaus 1999).
Les auteurs ont montré que la scintigraphie osseuse trois temps était relativement performante pour dépister les érosions osseuses précoces, mais elle était par contre moins performante pour la détection des lésions des tissus mous (synovite, ténosynovite) (Backlaus 1999) (Backlaus 2002).
Par contre, le suivi des patients explorés a mis en évidence une dissociation entre la régression des signes cliniques, scintigraphiques, échographiques et IRM d'atteinte des tissus mous et la majoration des érosions osseuses échographiques et surtout IRM (Backlaus 2002).
Duer et Coll ont montré que la sensibilité de la scintigraphie osseuse était comparable à celle de l'IRM, pour classer correctement les arthrites des mains.
Par contre l'IRM avait une meilleure spécificité.
Ces auteurs ont montré par ailleurs l'intérêt d'associer l'IRM des mains à la scintigraphie osseuse dans cette indication (Duer 2008).
Lee et Coll ont montré l'utilité de la scintigraphie osseuse pour le diagnostic différentiel entre un rhumatisme psoriasique et une polyarthrite rhumatoïde, chez une patiente porteuse d'un psoriasis.
L'examen a mis en évidence une distribution périphérique et symétrique des arthrites qui épargnent l'interphalangienne distale, en faveur d'une polyarthrite rhumatoïde.
Dans le rhumatisme psoriasique au contraire, la distribution des arthrites est périphérique et asymétrique, avec atteinte de l'interphalangienne distale et il existe souvent une atteinte axiale associée (Lee 2010).
Sur le plan technique, il est indispensable de réaliser une scintigraphie osseuse dynamique, qui comprend au minimum un temps tissulaire et un temps osseux, centrée sur chaque zone douloureuse périphérique.
Au niveau axial, le temps tissulaire paraît moins utile.
Il sera cependant discuté sur les articulations sacro-iliaques et les articulations sterno-claviculaires.
Les clichés corps entier sont systématiques.
L'étude TEMP/TDM a un intérêt certain, en particulier pour les régions axiales (rachis, sacro-iliaques, sterno-claviculaires), ainsi qu'au niveau des insertions.
Toutefois, elle peut également révéler des érosions osseuses au niveau des mains et des pieds, à condition d'utiliser une épaisseur de coupes TDM de 1,25mm (Paycha 2010).
L'interprétation de la scintigraphie osseuse doit être rigoureuse et intégrée aux données cliniques, biologiques et radiographiques.
On doit prendre en compte le nombre, la localisation et l'intensité des sites articulaires pathologiques, ainsi que le caractère symétrique ou asymétrique de l'atteinte articulaire.
On recherche également des signes scintigraphiques péri-articulaires, tissulaires ou osseux associés (Granier 2011).
La scintigraphie osseuse a un intérêt certain dans le diagnostic des douleurs articulaires et doit être intégrée à leur stratégie d'exploration (Tableau I).
(tableau II)
Le premier temps est classiquement basé sur l'examen clinique, la biologie et les radiographies conventionnelles.
Ce premier bilan permet le diagnostic d'une partie non négligeable des arthrites inflammatoires qui pourront être secondairement explorées par l'échographie, qui est plus efficace dans les formes périphériques, ou par l'IRM qui est plus efficace dans les formes axiales.
Lorsque le diagnostic est litigieux après ce premier bilan, et tout particulièrement chaque fois que le diagnostic d'arthralgies est évoqué, on peut proposer la réalisation d'une scintigraphie osseuse comme méthode de screening des douleurs articulaires.
La scintigraphie osseuse a en effet une bonne sensibilité, ce qui la rend efficace en dépistage (Duncan 1999).
Elle permet par ailleurs une étude corps entier et éventuellement une acquisition TEMP/TDM.
La normalité du temps tissulaire et du temps osseux de la scintigraphie osseuse dynamique permet d'éliminer, avec une forte probabilité, une pathologie articulaire inflammatoire.
Le diagnostic d'arthralgies est retenu et donc il n'y a pas lieu de réaliser d'exploration complémentaire.
Lorsqu'on observe une hyperfixation au temps tissulaire et une normofixation au temps osseux, il s'agit d'une inflammation articulaire modérée, sans doute à type de synovite et/ou de ténosynovite.
La mise en évidence d'une hyperfixation tissulaire et osseuse plaide en faveur d'une inflammation articulaire plus marquée, à type de synovite et/ou de ténosynovite, ou liée à des érosions osseuses.
Plus l'intensité de la fixation est marquée et plus la présence d'érosions osseuses est probable.
La scintigraphie osseuse est un examen fonctionnel.
Elle ne permet pas de différencier une synovite d'une ténosynovite ou d'érosions osseuses.
La réalisation d'une acquisition TEMP/TDM peut parfois identifier les lésions anatomiques, en particulier dans la pathologie inflammatoire axiale.
Dans ces conditions, lorsque la scintigraphie osseuse est positive, il faut réaliser une échographie ou une IRM pour préciser les lésions anatomiques sous-jacentes.
Cette stratégie a l'avantage d'utiliser de façon la plus efficace possible les moyens existants, ce qui permet d'explorer le plus grand nombre possible de patients.
En effet, les douleurs articulaires sont fréquentes, tout particulièrement chez les patients âgés de plus de 65 ans qui présentent des plaintes articulaires dans environ 50% des cas (taillandier RP 2003).
De plus, l'échographie est un examen long (35 mn par patient en moyenne) (Wakefield 2004) et les rendez-vous d'IRM sont souvent longs à obtenir.
L'utilisation de la scintigraphie osseuse permet d'explorer efficacement les patients qui ont la plus grande probabilité de présenter des arthrites inflammatoires.
Par ailleurs, la tomographie d'émission de positons au 18F-Fluorodéoxyglucose peut mettre en évidence une captation en regard des zones d'inflammation articulaire ou péri-articulaires, comme les bursites trochantériennes (Wahl 2008).
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Date de création : 19/04/2011
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