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Maladie de Paget



Plan :

go1°) Généralités
go2°) Clinique
go3°) Biologie
go4°) Localisations des lésions
go5°) Radiologie conventionnelle
go6°) TDM
go7°) IRM
go8°) Scintigraphie osseuse
go9°) Formes inhabituelles
go10°) Evolution - Complications
go11°) Diagnostic différentiel
go12°) Bibliographie

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1°) Généralités :

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La maladie de Paget osseuse est une ostéopathie dystrophique acquise, le plus souvent bénigne, localisée à une ou plusieurs pièces osseuses, caractérisée par un dérèglement focal du remodelage osseux, conduisant à une hypertrophie des os et à la construction d'une structure osseuse anormale et fragile.

Elle est particulièrement fréquente en Europe et en Australie.
Par contre, elle est inhabituelle aux Etats-Unis et extrêmement rare en Chine et en Afrique.
En France, sa fréquence est estimée entre 2 et 4 % après 50 ans, à 7% après 60 ans et à 10% après 80 ans.
On observe une légère prédominance masculine (sex ratio 1,5/1) et une prédisposition familiale.

Son étiologie est sans doute multifactorielle.
L'étiologie virale est probable (paramyxovirus).
Une origine génétique a été évoquée. En effet, 15 à 40% des patients pagétiques ont un parent touché par l'affection et une parenté de premier degré multiplie par quatre le risque d'être atteint.
Par ailleurs, plusieurs mutations génétiques associées à la maladie de Paget ont été identifiées.
On a évoqué également l'intervention de facteurs environnementaux. Cette hypothèse est étayée par la diminution actuelle de la prévalence et de la sévérité de la maladie, peut être par diminution de l'exposition à un agent causal.

Sur le plan physiopathologique, le renouvellement osseux anarchique et excessif est responsable d'une désorganisation de la structure et de la morphologie des pièces osseuses touchées, conduisant à une hypertrophie et à des déformations.
L'atteinte pagétique se développe en trois phases successives :
- A la phase précoce, l'activité ostéoclastique est intense et désordonnée, avec résorption de l'os normal par des cellules géantes multinucléées et formation de lacunes de Howship. La moelle osseuse est encore relativement normale. Cette phase se traduit radiologiquement par une résorption osseuse isolée.
- A la phase intermédiaire, il existe une réparation ostéoblastique intense réactionnelle à la perte osseuse. La résorption osseuse persiste. Lorsque la réparation ostéoblastique est dominante, les travées osseuses s'épaississent et sont tapissées de nombreuses couches juxtaposées, d'orientation anarchique, à l'origine de l'aspect en mosaïque typique de la maladie de Paget en lumière polarisée. Il s'ensuit un remodelage anormal et excessif de l'os avec une réparation osseuse considérablement appauvrie en fibres collagènes, ce qui altère l'architecture osseuse. La séméiologie radiologique est habituellement caractéristique à ce stade.
- A la phase tardive, il existe une diminution progressive de l'activité ostéoclastique et ostéoblastique. La moelle graisseuse prédomine avec disparition des éléments hématopoïétiques, mais persistance de vaisseaux dilatés.

Sur le plan histologie, les travées osseuses sont épaissies, désorganisées, anarchiques, avec juxtaposition de foyers d'hyperostéoblastose, des surfaces ostéoïdes étendues, et des foyers d'hyperostéoclastose avec augmentation des surfaces de résorption, donnant un aspect en mosaïque ou en puzzle caractéristique.
Les ostéoclastes sont très nombreux, multinucléés, géants et engagés dans une activité excessive de résorption osseuse.
Le nombre d'ostéoblastes est accru et il s'y associe une augmentation de l'ostéoformation dont témoigne l'augmentation du volume ostéoïde.
Les corticales sont épaissies et difficiles à distinguer de l'os trabéculaire.
Il existe une fibrose médullaire et une hypervascularisation intense du tissu osseux.

Une fois déclenchée en un site du squelette, la maladie de Paget s'étend progressivement de proche en proche et accroît le volume osseux. Chaque site osseux a une évolution propre.
La vitesse de progression du front de résorption osseuse est estimée à 7-12 mm/an.
Les lésions initiales apparaissent probablement vers l'âge de 30 à 35 ans.

2°) Clinique :

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La maladie de Paget est le plus souvent asymptomatique (80 à 90% des cas).
Elle est découverte de façon fortuite par une exploration radiologique, une élévation des phosphatases alcalines ou une scintigraphie osseuse.
Parfois, elle est découverte lors d'une enquête familiale.

Les manifestations cliniques de la maladie de Paget sont en retard sur les signes radiologiques et sont dépendantes du nombre et de la localisation des atteintes osseuses, de leur retentissement et de l'activité de la maladie.

Les signes cliniques qui peuvent conduire à la découverte de la maladie sont multiples :

- Les douleurs osseuses sont tenaces et sourdes, parfois pulsatiles et nocturnes.
Elles siègent sur les pièces osseuses atteintes (fémur, tibia).
Elles sont parfois aggravées par la percussion osseuse.

- Les pièces osseuses peuvent être hypertrophiées (tibia, fémur, clavicule).
Plus rarement, on peut observer une augmentation de volume du crâne dans tous ses diamètres, des arcades sourcilières saillantes, une hypertrophie des malaires.
Un changement de pointure du couvre-chef, par augmentation du périmètre crânien peut être l'élément révélateur.

- Les déformations osseuses ne sont pas rares (fémur en crosse à convexité externe ou aspect en parenthèses, tibia en lame de sabre, cypho-scoliose).
Ces déformations sont parfois asymptomatiques ou responsables d'atteintes orthopédiques et neurologiques.

- On peut noter quelquefois une hyperthermie locale pour les os superficiels, avec des vaisseaux superficiels dilatés (patella, tibia, clavicule).

- Des lésions cutanées eczématiformes de la face antérieure des jambes, en regard de lésions pagétiques des tibias ont été décrites.

- Des céphalées sourdes et tenaces, parfois pulsatiles, peuvent se rencontrer dans le Paget du crâne.

- Les manifestations cliniques sont le plus souvent liées aux complications de la maladie, à type de fissures corticales, d'arthropathies, de compressions nerveuses ou de transformation sarcomateuse (cf infra).

3°) Biologie :

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L'élévation du taux des phosphatases alcalines totales sériques est le témoin de l'activité des ostéoblastes. Elle est bien corrélée à l'activité et à l'extension de la maladie.
Ce dosage est utilisé pour suivre l'efficacité des traitements.

Les taux sériques du calcium et des phosphates sont généralement normaux. Il peut parfois exister une hypocalcémie. Par contre, on peut observer une hypercalcémie et une hypercalciurie après fracture et confinement au lit.

L'augmentation de l'hydroxyprolinurie témoigne de la résorption osseuse. Ce dosage n'est plus pratiqué.

Le N-télopeptide urinaire est plus sensible et plus spécifique pour évaluer la résorption osseuse. Ce dosage n'est pas indispensable dans la maladie de Paget.

4°) Localisations de la maladie :

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La maladie de Paget peut toucher tous les os, mais il existe une prédilection pour certaines pièces osseuses.
Elle ne touche jamais l'ensemble du squelette.
Son extension est variable d'un patient à l'autre.
La maladie est monostotique dans un tiers des cas et polyostotique dans deux tiers des cas.

L'atteinte est fréquente sur l'os coxal (30-70%), le rachis lombaire (30-75%), le sacrum (30-60%), le fémur (25-55%), le crâne (28-42%), le rachis thoracique (40%), le tibia (35%).
Elle est moins fréquente sur l'humérus, l'omoplate, le rachis cervical, les côtes, le sternum, la clavicule, la face, le calcanéus (10%).
Elle est plus rare sur les petits os de la main et du pied (5%).

5°) Radiologie conventionnelle :

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a) Lésions élémentaires :

Les clichés radiographiques montrent classiquement des anomalies de forme, de densité et de structure des os.
L'os est hypertrophié et parfois déformé.
On objective des anomalies liées à une résorption osseuse (plages d'ostéolyse) et à une reconstruction osseuse (zones de condensation).
L'os cortical est épaissi et poreux. L'os spongieux est globalement densifié avec des travées épaissies. La trame osseuse a un aspect fibrillaire et anarchique. Ces anomalies aboutissent à un bouleversement architectural de l'os, à type de dédifférenciation corticomédullaire.

L'analyse de la distribution des lésions est un élément important du diagnostic.
Tous les os du squelette ne sont pas touchés. L'atteinte est habituellement asymétrique et touche la totalité ou une partie des pièces osseuses pathologiques. Les petits os sont en général touchés en totalité (vertèbres).

La mise en évidence de ces anomalies permet habituellement le diagnostic positif et le diagnostic différentiel de la maladie de Paget.
L'aspect radiographique varie cependant selon le siège et l'âge des lésions.

b) Crâne :

- La phase de résorption osseuse initiale est responsable d'une ostéoporose circonscrite qui intéresse le plus souvent la région frontale ou la région occipitale. Cette ostéoporose est nettement délimitée de l'os sain adjacent. Elle peut progressivement s'étendre à tout le crâne.

- A la phase intermédiaire, s'associent à la résorption osseuse des plages d'ostéocondensation de contour flou, donnant un aspect cotonneux.
L'atteinte du crâne prédomine sur la voûte, avec un aspect de condensation floconneuse.
Le crâne apparaît élargi, particulièrement dans la région frontale, avec perte progressive de la différenciation entre les deux tables.

- Au stade tardif, le crâne est très dense et élargi.
Dans les formes sévères avec atteinte de la base du crâne, il peut apparaître une impression basilaire avec platybasie.
Les os de la face sont moins souvent touchés que dans la dysplasie fibreuse. L'atteinte prédomine sur le maxillaire.

c) Rachis :

La phase de résorption initiale est non détectable sur le rachis.
On observe classiquement une atteinte harmonieuse de l'ensemble de la vertèbre, touchant le corps vertébral et l'arc postérieur, qui aboutit à un élargissement de la vertèbre dans le sens sagittal et frontal.
La mise en évidence d'une atteinte de l'arc postérieur, et en particulier de l'apophyse épineuse, est un élément fondamental du diagnostic.
Le corps vertébral est en général aplati et biconcave, moins du fait d'un tassement qu'en rapport avec un remodelage osseux excessif.
La vertèbre est ostéocondensée du fait de l'épaississement de l'os trabéculaire qui présente des travées grossières.
Cette ostéocondensation prédomine à la périphérie du corps vertébral, donnant l'aspect caractéristique de vertèbre "en cadre", avec une trame fibrillaire laissant le centre de la vertèbre plus clair.
On note un épaississement de la corticale des pédicules.
Parfois, il existe un bombement du mur antérieur.

L'extension de la maladie de Paget sur le rachis peut se faire au sein d'un ostéophyte ou d'une hyperostose d'une vertèbre à l'autre ou sur une côte. La maladie peut aboutir à la constitution de véritables blocs vertébraux, en particulier au niveau dorsal.

Dans certains cas, on peut observer une condensation inhabituellement marquée à la vertèbre, donnant l'aspect de vertèbre ivoire. En l'absence d'élargissement vertébral, le diagnostic différentiel est difficile avec une métastase ostéocondensante ou un lymphome. L'examen du corps vertébral de profil peut montrer une perte de sa concavité, voire une discrète convexité, qui est le premier signe de l'élargissement vertébral.

Une ostéolyse est rare sur le rachis et pose des problèmes de diagnostic différentiel.

Un aspect pseudoangiomateuse peut se rencontrer, mais dans la maladie de Paget, il existe une augmentation de la trame verticale et horizontale, contrairement à ce qui est observé dans les hémangiomes.

Parfois, on observe un aspect de vertèbre " poisson " biconcave.

d) Bassin :

L'os coxal peut être atteint partiellement ou en totalité (hémibassin pagétique).
On observe un élargissement osseux, un épaississement cortical des lignes iliopubiennes et ilioischiatiques, une désorganisation de la trabéculation osseuse qui est épaissie et une condensation radiographique cotonneuse.
Une protrusion acétabulaire peut survenir tardivement dans l'évolution.

L'atteinte du sacrum peut s'associer à l'atteinte de l'os iliaque.
On retrouve souvent un surlignage épais des trous sacrés.

e) Os longs :

La localisation sur les os longs est classique (fémur, tibia, humérus).
L'atteinte des os longs débute typiquement dans l'épiphyse et s'étend progressivement dans la métaphyse, puis la diaphyse, pour toucher l'ensemble de l'os.
Rarement, l'atteinte débute aux deux extrémités en même temps.

- A la phase initiale, la résorption osseuse prédomine dans l'os cortical. Sa limite avec l'os sain est nette.
Lorsque le front de résorption est vu de face, il forme un V dont la pointe est orientée vers l'os normal.
Cette image est classiquement décrite comme une " mage en cône " ou " en flamme de bougie ".
Cette résorption progresse habituellement à la vitesse de 7 à 12 mm/an environ à partir d'une extrémité osseuse.
En fait, cette image est rarement mise en évidence car le patient est asymptomatique.

- A la phase intermédiaire, on observe un front de résorption osseuse et une dédifférenciation corticomédullaire, avec épaississement cortical qui peut présenter un aspect fibrillaire, avec épaississement des travées osseuses le long des lignes de stress qui sont moins nombreuses mais épaisses et désorganisées. L'os est élargi.

- A la phase tardive, lorsque l'affection ne progresse plus, le front de résorption disparaît.
L'os présente un bouleversement architectural majeur.
Il est déformé du fait de la plasticité anormale de l'os pagétique.
Les fémurs présentent une convexité antérieure et une coxa vara.
Les tibias ont une convexité antérieure et latérale à l'origine de la déformation "en lame de sabre".

f) Atteinte des os plats et des os courts :

Elle est globalement moins fréquente.
Elle se localise surtout sur l'omoplate, le calcanéus, les métatarsiens, les métacarpiens et les phalanges.

6°) TDM :

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L'imagerie TDM n'est pas indispensable au diagnostic.
Elle est utile en cas de doute diagnostique ou en cas de complication.
Elle analyse l'architecture osseuse et montre la dédifférenciation corticomédullaire avec épaississement de l'os cortical qui est très dense et des travées osseuses moins nombreuses, mais plus épaisses et désorganisées, à l'origine d'un aspect aréolaire ou " en nids d'abeille ".
Dans les vertèbres ivoire, on note une juxtaposition importante de travées épaisses qui est à l'origine de la condensation osseuse radiologique.
On peut observer la persistance de plages de densité graisseuse entre les travées osseuses.
Quelquefois, on note des plages intraspongieuses focales très denses, de contour étoilé, mimant des énostoses.
Il existe parfois des petites plages ostéolytiques de densité tissulaire, témoignant de la présence de tissu de granulation, qui rompent parfois la corticale, notamment au squelette axial.
L'os affecté apparaît élargi.

7°) IRM :

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L'IRM n'est en général pas utile au bilan de la maladie de Paget.
Par contre, elle est utile pour diagnostiquer une compression médullaire et une dégénérescence maligne, ou en cas de doute diagnostique.
Classiquement, elle permet le diagnostic différentiel avec les métastases osseuses, les lymphomes et les infections.

Les parties ossifiées de l'os pagétique apparaissent en hyposignal sur toutes les séquences au niveau des territoires riches en os spongieux hypertrophique.
Les corticales épaissies et poreuses présentent un signal faible à intermédiaire, mais en hypersignal relatif par rapport à l'os normal.

L'aspect caractéristique est un signal de type graisseux au niveau de la moelle osseuse, avec hypersignal T1 et iso ou hypersignal T2 selon le type de séquences.
Un signal de type graisseux peut parfois être détecté au sein de la corticale épaissie du fait de la dédifférenciation corticomédullaire.

Le signal IRM dépend en fait de la phase de la maladie.
Les zones de résorption sont en hyposignal T1 et en hypersignal T2 et se rehaussent parfois de façon intense après injection de Gadolinium.
A la phase active de la maladie, les corticales et les travées spongieuses en remaniements rapides sont intriquées à du tissu conjonctivo-médullaire en signal élevé en pondération T2.
Dans les formes très actives, et en particulier les formes pseudotumorales, il peut exister un œdème des tissus mous en regard des lésions pagétiques.
Dans la maladie de Paget débutante, le signal de type graisseux en T1 peut manquer.

La moelle osseuse est globalement normale dans la maladie de Paget. On n'objective pas de remplacement médullaire massif par du tissu tumoral ou inflammatoire.
Par ailleurs, on n'observe jamais de syndrome de masse dans les parties molles, en l'absence de dégénérescence sarcomateuse ou de fracture.

Sur le plan morphologique, L'IRM retrouve par ailleurs l'élargissement de l'os pagétique et l'épaississement de l'os cortical et trabéculaire.

Sur le plan morphologique, L'IRM retrouve par ailleurs l'élargissement de l'os pagétique et l'épaississement de l'os cortical et trabéculaire.

8°) Scintigraphie osseuse :

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a) Généralités :

La scintigraphie osseuse permet un diagnostic précoce de la maladie de Paget, alors que les radiographies sont encore normales ou peu parlantes.
Par ailleurs, elle est plus sensible que les radiographies, révélant jusqu'à 30% de lésions supplémentaires.
Elle évalue de façon globale l'extension de la maladie (cartographie) et définit les zones à risque (crâne, rachis cervical et dorsal, hanche, genou).

On objective classiquement une hyperfixation très intense et homogène qui atteint l'os ou la portion d'os concernée de façon globale.
Les petits os sont globalement hyperfixant (vertèbres).
L'atteinte est volontiers asymétrique et peut toucher tous les os, mais se localise le plus souvent au rachis, à l'os iliaque, au sacrum, au crâne et aux os longs.
L'importante hyperfixation des pièces osseuses atteintes est liée à l'intense augmentation du flux sanguin régional et à l'intense activité ostéoblastique.
Parfois, le reste du squelette paraît éteint.
Si une acquisition dynamique est réalisée, on observe une hypervascularisation intense des pièces osseuses touchées.
Les lésions pagétiques élargissent l'os de façon localisée ou globale. Il s'agit d'un signe caractéristique qui n'est jamais rencontré dans les métastases du cancer de la prostate.
Par ailleurs, on observe des déformations osseuses multiples.
Les tibias sont déformés en cimeterre et les fémurs en crosse ou en parenthèses.
Le massif facial présente un aspect de leontiasis ossea.

L'évolutivité de la maladie est reflétée par l'extension et l'intensité de la fixation osseuse.
Des aspects radiologiques comparables peuvent donner une fixation osseuse variable.
La fixation osseuse diminue et parfois se normalise lorsque l'évolutivité de la maladie diminue. Une semi-quantification des lésions osseuses (par rapport au côté sain) peut aider à juger de la réponse au traitement (peu utilisé).
Sous traitement par les bisphosphonates, la fixation osseuse pagétique peut être considérablement diminuée et parfois se normaliser.
Parfois, on observe des zones d'hyperfixation plus localisées et hétérogènes, qui risquent d'être confondues avec des métastases.

b) Scintigraphie osseuse planaire :

1) Crâne :
Au niveau du crâne, au stade de résorption osseuse, l'ostéoporose circonscrite s'accompagne d'une hyperfixation intense sur la périphérie de la lésion.
Par la suite, on objective une hyperfixation intense et une augmentation de volume de la région atteinte.
La maladie de Paget peut toucher un seul os du crâne, la totalité de la voute crânienne ou peut s'étendre à la base du crâne, en respectant la mandibule.
La mandibule peut être atteinte isolément, donnant l'aspect de " barbe noire ".

2) Rachis :
Au niveau des vertèbres, on objective une hyperfixation intense qui en face antérieure montre bien l'élargissement du corps vertébral. En face postérieure, on peut objectiver une hyperfixation triangulaire qui englobe les apophyses transverses et épineuse de la vertèbre (signe de Mickey Mouse).
Une ou plusieurs vertèbres peuvent être pathologiques.

3) Bassin :
L'atteinte de l'os coxal touche classiquement l'ensemble de l'os ou une grande partie de celui-ci de façon homogène. L'hypertrophie osseuse associée permet le plus souvent le diagnostic différentiel avec une métastase osseuse prostatique.
L'atteinte pagétique du sacrum donne en général une hyperfixation intense qui englobe le corps et les deux ailerons sacrés.

4) Os longs :
L'atteinte des os longs se présente comme une hyperfixation intense, souvent homogène, qui s'étend d'une épiphyse vers l'épiphyse opposée, allant jusqu'à englober l'os dans sa totalité.
Cet os est hypertrophié et parfois déformé, en particulier le tibia ou le fémur.

5) Os plats et os courts :
Les os plats et les os courts sont moins fréquemment atteints par la maladie de Paget.
On objective en général une hyperfixation très intense de l'os pathologique dans sa globalité (os courts) ou parfois sur une partie (os plats).

c) L'acquisition hybride TEMP/TDM :

La TEMP/TDM permet à la fois d'analyser en trois dimensions la répartition osseuse des anomalies de fixation et des anomalies morphologiques et de les superposer sur les images de fusion.

A la phase initiale (lytique), les lésions osseuses peuvent présenter une hyperfixation intense et uniforme ou au contraire une relative hypofixation centrale entourée d'une zone d'hyperfixation périphérique (en particulier au niveau du crâne). Ces anomalies fonctionnelles coïncident avec des anomalies morphologiques souvent ostéolytiques qui se localisent volontiers sur la voûte crânienne (ostéoporose circonscrite), sur les os longs (lacune sur une extrémité de l'os, limite nette en " fer de lance ") ou sur les vertèbres.

Par la suite, on objective en regard des foyers d'hyperfixation, une ostéocondensation intense, une dédifférenciation cortico-médullaire avec épaississement de la corticale, un élargissement du diamètre des segments osseux pathologiques ou un élargissement global d'une pièce osseuse.

L'acquisition TEMP/TDM n'est pas utile pour le diagnostic de la maladie de Paget poly-ostotique.
Par contre, elle peut identifier une localisation unique, en particulier sur le bassin, le sacrum ou le rachis lombaire, et la différencier d'une métastase osseuse d'un cancer de la prostate.

A noter par ailleurs que les lésions pagétiques peuvent se traduire par une fixation intense du 18F-FDG lors d'une tomographie d'émission de positons.

9°) Formes inhabituelles :

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- La maladie de Paget peut débuter au niveau de la diaphyse d'un os long.
Cette présentation est extrêmement rare et survient essentiellement au tibia et au radius.
La résorption osseuse s'étend secondairement vers les deux extrémités.

- Certaines lésions pagétiques présentent un aspect en choux fleur, qui correspond à une ostéocondensation marquée, focalisée, parfois stratifiée, d'un corps vertébral, habituellement à sa partie postérieure, éventuellement associée à une atteinte de l'arc postérieur adjacent.
La corticale adjacente est parfois épaissie.
Il s'agit d'une présentation rare.

- Quelquefois, on observe une raréfaction osseuse pseudo-tumorale liée à une résorption osseuse qui survient sur une lésion pagétique ancienne.
La déminéralisation est très intense, avec perte de la netteté de la corticale et mime parfois une pathologie maligne.
Cette présentation est classique au bassin, au fémur, mais également aux vertèbres (aspect pseudo-angiomateux).
Cette forme clinique survient volontiers après une fracture et une immobilisation (ostéoporose par défaut d'utilisation).

- Le pseudosarcome est une présentation radiologique exceptionnelle, qui correspond à une lésion pagétique osseuse classique, associée à une masse des parties molles d'implantation périostée.
Cette masse est liée à une prolifération osseuse périostée pagétique exubérante dont la matrice est ou non minéralisée.
L'os cortical sous jacent est intact ou détruit.
L'aspect radiologique est superposable à celui d'une dégénérescence maligne beaucoup plus fréquente.
L'IRM est utile si la lésion a conservée un signal graisseux. Le signal de la masse est variable.
Ce type de lésion touche essentiellement les membres inférieurs, notamment le fémur et le tibia et beaucoup plus rarement la fibula et l'humérus.
Parfois, l'extension du processus pagétique se fait dans le canal rachidien, au sein des espaces extra-duraux. Elle peut alors conduire à une compression médullaire.

- On peut également observer des foyers d'hématopoïèse extra-médullaire au voisinage de l'os pagétique. L'IRM montre alors des masses tissulaires paravertébrales en hypersignal intense en T1, qui peuvent se calcifier. Parfois, l'extension du processus se fait dans le canal rachidien, au sein des espaces extra-duraux et peut conduire à une compression médullaire.

10°) Evolution - Complications :

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a) Evolution :

L'évolution de la maladie de Paget est lente et imprévisible.
Elle se fait sur plusieurs années, avec une alternance de poussées d'ostéolyse et de reconstruction, entrecoupées de périodes stables.
La vitesse de propagation du front de résorption osseuse est évaluée entre 7 et 12 mm/an.
La maladie ne passe pas d'un os à l'autre au travers d'une articulation, sauf au niveau du rachis (ostéophytes).

Le pronostic est globalement excellent.
Il est amélioré par les traitements (bisphosphonates).
Les formes asymptomatiques sont les plus nombreuses.
Les formes extensives, avec atteinte de 3 à 4 pièces osseuses ne sont pas rares.
Les complications alourdissent le pronostic et conduisent souvent à la découverte de la maladie.
La dégénérescence sarcomateuse est la seule complication sévère de la maladie.
Elle est heureusement rare (inférieure à 1 %).

b) Complications ostéo-articulaires :

1) Fissures et fractures :
Les fissures et les fractures osseuses sont la conséquence de la déformation et de la fragilité de l'os pagétique. Elles touchent essentiellement les os longs.
Elles surviennent pour des traumatismes parfois modestes.
Elles se localisent en regard de la corticale convexe des os longs, et tout particulièrement sur la corticale antérieure du tibia et la corticale latérale du fémur.
Le trait de fracture est perpendiculaire au grand axe de la corticale et présente un aspect radiologique " en coupe-cigare ".
Sur le plan scintigraphique, on objective une hyperfixation focalisée plus intense en regard de la fracture. Une acquisition TEMP/TDM peut identifier cette fracture, en montrant le caractère très focalisé à la corticale de cette hyperfixation plus marquée et la solution de continuité de la corticale en regard.
Ces fractures peuvent persister pendant des années du fait de la mauvaise qualité du cal et peuvent évoluer vers une fracture spiroïde ou comminutive.

Une fracture vertébrale ou un hématome épidural peuvent également survenir.

2) Complications articulaires :
Les atteintes articulaires sont liées aux lésions pagétiques des épiphyses.
Elles sont favorisées par l'élargissement osseux et la plasticité anormale de l'os sous-chondral qui altèrent la congruence articulaire.
Elles touchent principalement la hanche (coxopathie pagétique) et le genou (gonarthrose médiale sur genu varum).
D'autres articulations peuvent être touchées.
Des troubles de la mastication ont été décrits dans les atteintes de la mandibule.
Ces anomalies sont mises en évidence par les radiographies standards.
La scintigraphie osseuse, parfois couplée à la TEMP/TDM, peut également les montrer lorsqu'elles ne sont pas documentées, ce qui n'est pas habituel.

3) Dégénérescence sarcomateuse :
La dégénérescence sarcomateuse est rare.
Elle surviendrait dans 0,15 à 0,95% des cas de maladie de Paget.
A contrario, la maladie de Paget est le principal facteur favorisant des sarcomes osseux (25% des cas).
Il s'agit de lésions de mauvais pronostic, car ce sont souvent des sarcomes de haut grade.

La dégénérescence sarcomateuse est plus fréquente chez les patients sévèrement affectés (10% des cas).
Une forme polyostotique de maladie de Paget est un facteur de risque. Elle est présente dans 80 à 90% des dégénérescences sarcomateuses.
Elle est découverte généralement chez des patients de plus de 50 ans.
Les hommes sont plus souvent affectés (75% des cas).

Les localisations habituelles sont par ordre de fréquence décroissante le bassin (26%), le fémur (25%), l'humérus (19%), le tibia (15%), le crâne (10%), le sacrum et le rachis.
La lésion peut être parfois multifocale.

Le type histologique du sarcome est variable. Il peut s'agir d'un ostéosarcome (50-90%), d'un histiocytome fibreux malin (20-25%), d'un fibrosarcome (3-25%), d'un chondrosarcome (1-15%), d'un sarcome à cellules géantes (3-10%) et d'un angiosarcome (inférieur à 1%).

Le diagnostic précoce d'une dégénérescence sarcomateuse est difficile.
Elle peut se traduire par des douleurs rebelles, une fracture, une tuméfaction osseuse, une profonde altération de l'état général et un syndrome inflammatoire biologique marqué.
Elle se présente comme une lésion ostéolytique ou mixte, plus rarement ostéocondensante, mal limitée, se développant rapidement, avec une destruction focale de la corticale, une masse des parties molles, une fracture pathologique.
Il n'existe classiquement pas de réaction périostée.
Ces anomalies sont au mieux identifiées par la TDM.

Le diagnostic scintigraphique de la dégénérescence sarcomateuse est difficile, s'il n'existe pas d'iconographie antérieure.
La comparaison avec les précédents clichés peut montrer une modification des images, avec modification de l'hyperfixation qui devient plus intense et/ou plus hétérogène et/ou plus étendue, parfois aux tissus mous péri-osseux. Il peut apparaître au contraire une hypofixation au moins focalisée.
La TEMP/TDM peut certainement apporter des arguments, en particulier en montrant la lyse de la corticale et la présence d'une masse des parties molles en regard des anomalies de fixation.
La scintigraphie osseuse n'est cependant probablement pas le meilleur examen pour le diagnostic de la dégénérescence sarcomateuse et ne doit pas être indiquée dans cette hypothèse.
Par contre, elle peut évoquer ce diagnostic lorsqu'elle est demandée pour explorer une maladie de Paget chez un patient qui présente des douleurs focales non expliquées.

L'IRM peut montrer la présence d'un tissu de remplacement anormal dans l'os pagétique (transformation de la moelle graisseuse en plages hypointenses en T1) et autour de l'os pagétique (masse des parties molles).
C'est l'examen le plus performant dans cette indication.

La biopsie osseuse affirme le diagnostic et précise le type histologique.

4) Autres tumeurs :
Il a été décrit des tumeurs à cellules géantes sur os pagétique, notamment au niveau de la face et du crâne.
Elles se traduisent par des lésions ostéolytiques expansives, parfois associées à une masse des parties molles. Ces tumeurs sont parfois multifocales.

L'os pagétique ne semble pas plus souvent affecté que l'os non pagétique par les métastases osseuses des cancers solides.
On peut également observer des localisations de lymphomes ou de myélome sur les atteintes pagétiques.

c) Complications neurologiques :

Les complications neurosensorielles de la maladie de Paget sont sévères.

L'atteinte pagétique du rachis peut entrainer une sténose du canal rachidien ou des foramens intervertébraux du fait de l'hypertrophie osseuse.
Elle peut être responsable de compressions radiculaires, médullaires (surtout dorsale) ou de la queue de cheval.

L'atteinte de la base du crâne, dans les maladies évoluées, peut entrainer une sténose des foramens nerveux (surdité progressive par atteinte des rochers) et, du fait du caractère déformable de l'os pagétique, d'une impression basilaire et d'une platybasie.
L'atteinte du crâne peut être responsable de lésions de l'encéphale, avec hydrocéphalie, céphalées, troubles psychiques, atteinte pyramidale ou cérébelleuse, incontinence urinaire, parfois état démentiel.

d) Complications cardiovasculaires :

Dans les formes étendues et évoluées de maladie de Paget, il peut exister une HTA, des calcifications artérielles ou une insuffisance cardiaque à débit élevé (classique mais rare).

11°) Diagnostic différentiel :

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Le diagnostic différentiel est essentiellement radiographique.
Les pathologies à évoquer sont multiples.

Une lésion condensante peut faire discuter une métastase condensante d'un cancer viscéral, en particulier prostatique, ou des lésions de spondylarthropathies, en particulier sur le rachis.

Une vertèbre ivoire devra faire éliminer une métastase condensante d'un cancer viscéral, une localisation vertébrale d'un lymphome malin ou d'une spondylarthropathie.

Un aspect kystique ou une ostéoporose localisée fera évoquer une hyperparathyroïdie ou un angiome vertébral.

Une extension aux os longs doit faire discuter une dysplasie fibreuse des os ou une mélhoréostose.

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