L'imagerie hybride TEMP-TDM : l'avenir de la scintigraphie osseuse ?


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La scintigraphie osseuse fait partie du bilan de nombreuses pathologies. Elle a vu progressivement sa place évoluer en fonction des progrès des techniques isotopiques et radiologiques.
L'apparition de la tomographie par émission monophotonique (TEMP), couplée à la tomodensitométrie (TDM) bouleverse l'exploration scintigraphique et la replace au centre de la stratégie d'exploration de nombreuses lésions osseuses.
A l'heure actuelle, cette imagerie hybride (TEMP- TDM) est encore en cours d'évaluation. Le nombre de machines installées en France est faible, mais va progressivement augmenter du fait du potentiel d'une telle imagerie qui associe les informations fonctionnelles de la scintigraphie aux données morphologiques du scanner.


La scintigraphie osseuse utilisant des polyphosphates marqués au Technétium 99m a été introduite en pratique clinique dans les années 1970.
Très tôt, elle a montré son efficacité dans la détection des métastases osseuses, qu'elle peut mettre en évidence 2 à 18 mois avant les clichés radiographiques standards [1].
Dans cette indication, les études ont montré une sensibilité de 62 à 100 % et une spécificité de 78 à 100 % [2]. Cependant, en pratique elle peut être prise en défaut, et tout particulièrement dans la recherche des lésions secondaires du rachis.
Sa spécificité est par ailleurs modeste, ce qui conduit souvent à vérifier morphologiquement les lésions dépistées par la scintigraphie.

Les progrès du matériel et de l'informatique, l'utilisation fréquente de la scintigraphie trois temps et l'amélioration de l'expertise des Médecins Nucléaires ont permis aux indications de la scintigraphie osseuse de déborder largement du cadre de la Cancérologie pour explorer tous les chapitres de la pathologie osseuse : pathologie du sport (fractures de fatigue, périostites), traumatologie (fractures occultes), pathologies inflammatoires (arthrites, polyarthrites, spondylarthropathies) et infectieuses (spondylodiscite, ostéomyélite), orthopédie (descellement mécanique ou infectieux des prothèses), pathologie vasculaire (algodystrophie, ostéonécrose), pédiatrie (ostéochondrite de hanche), pathologies diverses (maladie de Paget, ostéome ostéoïde).

Apparue depuis une vingtaine d'année, la TEMP (ou tomoscintigraphie) a été un progrès important. Elle a été utilisée principalement pour l'exploration des lésions métastatiques vertébrales.
Par rapport à la scintigraphie osseuse planaire, elle détecte plus de lésions, améliore la localisation anatomique de ces lésions, et permet de différencier lésions bénignes et métastases au niveau du rachis, ce qui modifie la prise en charge de certains patients [3,4,5].
La tomoscintigraphie osseuse a également été utilisée dans la recherche des spondylolyses, ainsi que dans l'exploration des articulations (genoux, hanches, articulations temporo-mandibulaires) [6].

Les formidables progrès de la Radiologie et en particulier de la TDM et de l'IRM, l'évolution des pratiques en Cancérologie et l'apparition de la tomographie par émission de positons (TEP et surtout TEP-TDM) ont fortement modifié la place de la scintigraphie osseuse dans toutes ses indications.

Le développement de machines hybrides TEMP-TDM donne manifestement un souffle nouveau à la Médecine Nucléaire.
Les acquisitions de l'étude fonctionnelle (TEMP) et de l'étude morphologique (TDM) sont réalisées de façon successive sans changement de la position du patient, ce qui permet la génération d'images fusionnées dans lesquelles chaque lésion est caractérisée par sa captation du radiotraceur et son apparence morphologique.

L'interprétation de l'examen nécessite l'analyse successive [7] :
- de la séméiologie fonctionnelle (zones d'hyperfixation, d'hypofixation, ou normofixation) ;
- de la séméiologie radiologique (anomalies corticales ou trabéculaires, de type lytique, condensant ou mixte, ou absence d'anomalie de la structure osseuse) ;
- des images de fusion qui permettent la synthèse des informations et souvent de proposer un diagnostic.

La TEMP-TDM permet [8,9,10] :
- une amélioration de la qualité des images du fait de la correction d'atténuation qui utilise les images TDM ;
- une localisation anatomique précise des lésions détectées ;
- une augmentation de la sensibilité, du fait d'un nombre plus grand de lésions détectées ;
- une amélioration de la spécificité, en différenciant plus aisément les lésions bénignes des lésions malignes et en identifiant les structures physiologiques (vessie, uretères, structures péri-osseuses…).

Les avantages de la TEMP-TDM doivent être pesés à la lumière de ses inconvénients :
- augmentation de la durée de l'examen (encombrement des caméras, pénibilité pour le patient) ;
- augmentation du coût de l'examen ;
- augmentation de l'irradiation du patient (environ 4 mSv pour la scintigraphie osseuse et 2 mSv pour le scanner de repérage).

A l'heure actuelle, la TEMP-TDM est essentiellement utilisée en Cancérologie, principalement dans l'étude du rachis. Dans cette indication, elle améliore le bilan d'extension et le diagnostic différentiel des lésions osseuses [11].
L'analyse de l'aspect (image condensante ou lytique) et de la localisation des images osseuses (partie postérieure des corps vertébraux, pédicules vertébraux) oriente le diagnostic [12].
Elle permet de différencier les tassements vertébraux bénins et malins. Une extension dans les tissus mous péri-osseux et/ou une atteinte du mur postérieur de la vertèbre suggèrent la nature maligne de la lésion [13].

L'imagerie hybride est plus performante que la tomoscintigraphie, puisqu'elle assure pour Romer un diagnostic précis dans 92 % des lésions squelettiques axiales classées comme indéterminées en tomoscintigraphie seule [14].
Pour Horger, elle rend possible le classement correct de 85 % des foyers douteux, contre 36 % pour la tomoscintigraphie seule [15].

Un gain significatif a été signalé dans l'étude du rachis, du bassin, du crâne et de la cage thoracique.
Son intérêt a également été souligné dans le diagnostic des spondylolyses, dans le diagnostic des lésions traumatiques méconnues (fractures du poignet, du bassin, du tarse…), et dans l'exploration des articulations temporo-mandibulaires [11,15,16].

Dans sa pratique, Slosman explore 75 % de ses patients par TEMP couplée par fusion à la TDM [17], tandis que Roach montre que cette exploration modifie le rapport final dans 56 % des cas [18].

La TEMP-TDM cherche encore sa place dans la stratégie diagnostique. On peut imaginer deux situations différentes :
- l'examen peut être réalisé en première intention après des clichés radiographiques standards non diagnostiques, par exemple pour explorer des douleurs osseuses.
Cette stratégie utilise la grande sensibilité de la scintigraphie osseuse et l'exploration du corps entier qui est systématique ;
- l'examen peut être réalisé en deuxième intention après des examens morphologiques spécialisés non diagnostiques (TDM, IRM), par exemple en cas d'images litigieuses ou en l'absence d'anomalie.

Du fait d'un très bon repérage anatomique des lésions, et d'une majoration significative de la sensibilité et de la spécificité, la TEMP-TDM augmente fortement les performances diagnostiques de la scintigraphie osseuse.
Les images tomodensitométriques la rendent plus " lisible " pour les Cliniciens et assurent le lien avec les Radiologues.

Cette imagerie récente recherche encore sa place dans le bilan des pathologies osseuses.
Toutefois ses performances la replacent manifestement au centre de la stratégie diagnostique.
Comme la scintigraphie osseuse planaire, elle est complémentaire des examens morphologiques.
Elle devrait s'intégrer naturellement dans la hiérarchie des explorations, soit en première intention, soit en deuxième intention en fonction de la pathologie explorée.
Cependant, son développement dépendra vraisemblablement de son rapport coût/efficacité qui semble à son avantage.

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Références :

[1] Blake G M, Park-Holohan S J, Cook G J, Fogelman I
Quantitative studies of bone with the use of 18F-fluoride and 99mTc-methylene diphosphonate
Semin Nucl Med 2001; 31 : 28-49

[2] Hamaoka T, Madewell J E, Podoloff D A, Hortobagyi G N, Ueno N T
Bone imaging in metastatic breast cancer
J Clin Oncol 2004; 22 : 2942-2953

[3] Gates G F
SPECT bone scanning of the spine
Semin Nucl Med 1998; 28 : 78-94

[4] Even-Sapir E, Martin R H, Barnes D C, Pringle C R, Iles S E, Mitchell M J
Role of SPECT in differentiating malignant from benign lesions in the lower thoracic and lumbar vertebrae
Radiology 1993; 187 : 193-198

[5] Savelli G, Maffioli L, Maccauro M, De Deckere E, Bombardieri E
Bone scintigraphy and the added value of SPECT (single photon emission tomography) in detecting skeletal lesions
Q J Nucl Med 2001; 45 : 27-37

[6] Sarikaya I, Sarikaya A, Holder L E
The role of single photon emission computed tomography in bone imaging
Semin Nucl MED 2001; 31 : 3-16

[7] Delbeke D, Coleman R E, Guiberteau M J, Brown M L, Royal H D, Siegel B A, Townsend D W, Berland L L, Parker J A, Zubal G, Cronin V
Procedure Guideline for SPECT-CT Imaging 1.0
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[8] Horger M, Bares R
The role of Single-Photon Emission Computed Tomography - Computed Tomography in benign and malignant bone disease
Semin Nucl Med 2006; 36 : 286-294

[9] Schillaci O, Danieli R, Manni C, Simonetti G
Is SPECT/CT with a hybrid camera useful to improve scintigraphic imaging interpretation ?
Nucl Med Commun 2004; 25 : 705-710

[10] Utsunomiya D, Shiraishi S, Imuta M, Tomiguchi S, Kawanaka K, Morishita S, Awai K, Yamashita Y
Added value of SPECT/CT fusion in assessing suspected bone metastasis : comparison with scintigraphy alone and nonfused scintigraphy and CT
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[11] Rigo P
Applications cliniques du MORPHO-TEMP : Avantages et limites
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[12] Algra P R, Heimans J J, Valk J, Nauta J J, Lachniet M, Van Koonen B
Do metastases in vertebrae begin in the body or the pedicules? Imaging study in 45 patients
Am J Roentgenol 1992; 158 : 1275-1279

[13] Even-Sapir E
Imaging of malignant bone involvement by morphologic, scintigraphic, and hybrid modalities
J Nucl Med 2005; 46 : 1356-1367

[14] Romer W, Nomayr A, Uder M, Bautz W, Kuwert T
SPECT-guided CT for evaluating foci of increased bone metabolism classified as indeterminate on SPECT in cancer patients
J Nucl Med 2006; 47 : 1102-1106

[15] Horger M, Eschmann S M, Pfannenberg C, Vonthein R, Besenfelder H, Claussen C D, Bares R
Evaluation of combined transmission and emission tomography for classification of skeletal lesions
Am J Roentgenol 2004; 183 : 655-661

[16] Coutinho A, Fenyo-Pereira M, Dib L L, Lima E N
The role of SPECT-CT with 99mTc-MDP image fusion to diagnose temporomandibular dysfunction
Oral Surg Oral Med Oral Pathol Oral Radiol Endod 2006; 101 : 224-230

[17] Slosman D O, Martin J B, Willi J P
La tomography d'émission monophotonique couplée à la tomodensitométrie : applications en pathologie osseuse
Médecine Nucléaire - Imagerie fonctionnelle et métabolique 2006; 30 : 301-308

[18] Roach P J, Schembri G P, Ho Shon I A, Bailey E A, Bailey D L
SPECT/CT imaging using a spiral CT scanner for anatomical localisation : Impact on diagnostic accuracy and reporter confidence in clinical practice
Nucl Med Commun 2006; 27 : 977-987

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Date de création : 24/04/08
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