Maladie de Waldenström
Plan :
1°) Généralités
2°) Clinique
3°) Biologie
4°) Examens radiologiques
5°) Scintigraphie osseuse
6°) Diagnostic
7°) Pronostic
8°) Evolution
9°) Bibliographie
(Cotten 2005) (Leblong 2006) (Vande Berg 1999)
La maladie de Waldenström ou macroglobulinémie de Waldenström est un syndrome lymphoprolifératif caractérisé par une infiltration médullaire par des cellules lymphoplasmocytaires monotypiques et une immunoglobuline M monoclonale sérique.
Elle est considérée comme un LMNH de bas grade, de type lymphoplasmocytaire, qui touche principalement les sujets âgés (âge médian 63 ans).
Elle est 7 à 10 fois moins fréquente que le myélome et représente 6% des syndromes lymphoprolifératifs B et 2% des hémopathies malignes.
Son incidence augmente avec l'âge. Elle est estimée à 3,4 par million chez l'homme et à 1,7 par million chez la femme.
Il existe des formes familiales de la maladie.
Ces formes doivent être recherchées systématiquement chez le sujet jeune.
On retrouve une forme familiale dans 18,7% des cas chez les apparentés du premier degré.
La prévalence d'une IgM monoclonale augmente dans les familles des patients atteints de maladie de Waldenström.
De plus, on relève une association fréquente avec d'autres manifestations dysimmunitaires dans la famille.
(Cotten 2005) (Leblong 2006) (Vande Berg 1999)
La clinique est très polymorphe.
Les manifestations cliniques et les anomalies biologiques sont liées d'une part à l'infiltration tumorale et d'autre part aux spécificités physiques et à l'activité auto-anticorps de l'immunoglobuline monoclonale.
a) Formes silencieuses :
La présence d'une IgM peut être observée dans de nombreux syndromes lymphoprolifératifs B et dans les gammapathies monoclonales de signification indéterminée (MGUS).
Les patients avec une MGUS ont un risque multiplié par 46 d'évoluer vers une maladie de Waldenström, surtout s'il existe une délétion du bras court du chromosome 6q (30% des patients).
En fait, beaucoup de patients avec une IgM asymptomatique ont un infiltrat monoclonal B qui correspond à une maladie de Waldenström débutante.
Les MGUS IgM asymptomatiques et les MGUS symptomatiques ont une probabilité cumulative à 5 ans et à 10 ans de développer une hémopathie lymphoïde respectivement de 8% et de 29%. Il s'agit le plus souvent d'une maladie de Waldenström.
De plus il existe des maladies de Waldenström asymptomatiques, qui ne nécessitent pas de traitement (cf infra).
b) Manifestations liées à l'infiltration tumorale :
- On retrouve un syndrome tumoral chez un tiers des patients, avec adénopathies (15%), splénomégalie (15%) ou hépatomégalie (20%).
L'analyse histologique de ces infiltrations extra-médullaires montre un aspect de LMNH lymphoplasmocytaire (80% des cas), un aspect de LMNH diffus à grande cellules, probablement lié à une transformation histologique (9% des cas) ou un aspect de lymphome composite ou un autre lymphome B (folliculaire, du manteau ou lymphocytique) dans 10% des cas.
On peut retrouver une asthénie et une altération de l'état général.
Les douleurs osseuses sont rares.
- D'autres organes peuvent être plus rarement atteints (5% des cas).
On observe des lésions pulmonaires, cutanées ou rénales.
L'atteinte du système nerveux central est exceptionnelle (syndrome de Bing-Neel).
c) Manifestations liées aux propriétés physico-chimiques de l'IgM :
- Syndrome d'hyperviscosité (15% des patients) :
On l'observe le plus souvent lorsque le taux de l'IgM monoclonale dépasse 30 g/L.
Il peut être responsable d'épistaxis, d'hémorragies gastro-intestinales, de manifestations visuelles (diplopie, thrombose des veines de la rétine, œdème papillaire, hémorragies rétiniennes) ou de manifestations neurologiques (confusion mentale, céphalées, syncopes, convulsions, hémorragie cérébrale).
- Amylose AL (2% des patients présentant une IgM monoclonale) :
Elle survient le plus souvent lorsque l'IgM comporte des chaînes légères lambda (70%).
Elle est caractérisée par une grande fréquence des atteintes cardiaques et des localisations pleuro-pulmonaires.
La médiane de survie est de 2 ans environ.
- Cryoglobuline de type I :
Elle est liée à une IgM insoluble au froid (cf infra).
d) Manifestations auto-immunes :
Elles sont fréquentes.
Certaines IgM monoclonales ont une activité anti-IgG qui aboutit à une activité cryoglobulinique de type II.
- Maladies des agglutinines froides :
Elle est liée à une sensibilisation des hématies par l'IgM, qui est responsable, après fixation du complément, d'une hémolyse intravasculaire, d'une acrocyanose et d'un phénomène de Raynaud.
- Neuropathies périphériques :
Il s'agit de polyneuropathies progressives, le plus souvent à prédominance sensitive de séméiologie variable en fonction du type d'auto-anticorps.
e) Manifestations pouvant correspondre à plusieurs mécanismes :
On retrouve une cryoglobuline dans 10 à 20% des cas.
Dans 50% des cas, il s'agit d'une cryoglobuline de type I, précipitant au froid.
Dans 50% des cas, il s'agit d'une cryoglobuline de type II, composée de l'IgM monoclonale et d'IgG polyclonales, avec une activité de type facteur rhumatoïde et diminution du complément.
Cette cryoglobuline peut être associée au virus de l'hépatite C.
La cryoglobuline peut être asymptomatique (50% des cryoglobulines monoclonales et 25% des cryoglobulines polyclonales).
Les symptômes sont liés à la précipitation intravasculaire de la cryoglobuline (type I) ou à des altérations endothéliales par des complexes immuns (mixtes).
Les lésions aboutissent à une vascularite touchant les petits vaisseaux (rein, peau, nerfs périphériques, plus rarement myocarde, muqueuses, système nerveux central).
Au niveau de la peau, on observe un purpura vasculaire, des ulcères cutanés récidivants, un urticaire au froid, une acrocyanose ou un syndrome de Raynaud.
Les arthralgies, les neuropathies et l'atteinte rénale sont plus fréquentes dans les cryoglobulines de type II.
f) Autres atteintes viscérales ou systémiques :
Plusieurs atteintes ont été décrites :
- des épanchements pleuraux, des infiltrats et des nodules pulmonaires
- une infiltration du tube digestif
- une infiltration rénale
- des tumeurs lacrymales ou conjonctivales
- des infiltrats de cellules malignes du système nerveux périphérique
- des macules, des papules, des érythèmes ou des nodules cutanés
- des arthrites par infiltration articulaire et péri-articulaire
(Leblong 2006) (Vande Berg 1999)
Une anémie est fréquente, parfois marquée, le plus souvent normochrome normocytaire.
Elle peut être liée à une hémodilution (taux d'IgM supérieur à 30 g/L).
On retrouve parfois une thrombopénie (16%) ou une neutropénie (3%).
Il peut exister une hyperlymphocytose modérée, mais le plus souvent la formule leucocytaire est normale.
La VS est augmentée (liée à la présence de l'Ig monoclonale).
La Béta 2 microglobuline sérique est augmentée chez 50% des patients (excellent facteur pronostique).
On retrouve une immunoglobuline monoclonale de type IgM généralement à un taux élevé.
On retrouve une deuxième immunoglobuline dans 5% des cas.
Le composant monoclonal peut être suivi sur l'immunoélectrophorèse.
Il existe dans les urines des chaînes légères monoclonales chez 60% des patients, le plus souvent à un taux faible (moins de 1 g/24h).
On peut retrouver une cryoglobulinémie ou des agglutinines froides.
L'infiltration de la moelle osseuse est variable, de 20 à 100% des cellules médullaires.
Elle est faite de cellules lymphoïdes, de cellules lymphoplasmocytaires et de cellules plasmocytaires.
Les mastocytes sont majorés chez 26% des patients.
L'immunophénotypage des cellules tumorales retrouve dans 100% des cas l'expression du CD19 et du CD20.
(Cotten 2005)
Les lésions osseuses sont moins fréquentes que dans le myélome multiple (10-20% des cas), mais similaires, à type de lésions ostéolytiques uniques ou multiples.
Elles se localisent surtout dans les régions péri-acétabulaires.
On observe également des encoches endostées ou une ostéopénie diffuse avec tassements vertébraux.
On peut retrouver des ostéonécroses secondaires à l'hyperviscosité, surtout sur les têtes fémorales et humérales, une amylose ostéoarticulaire, des arthropathies nerveuses par neuropathie périphérique ou une atteinte articulaire liée à une extension tumorale directe.
L'IRM montre une infiltration médullaire vertébrale fréquente, diffuse et homogène ou hétérogène.
Les lésions apparaissent hypointenses en T1, hyperintenses en T2 et se rehaussant après injection de Gadolinium.
L'IRM permet par ailleurs le diagnostic et bilan d'extension d'une éventuelle atteinte leptoméningée focale ou diffuse, avec des lésions essentiellement localisées à la base du crâne et sur le tronc cérébral (syndrome de Bing-Neel).
(Marks 1985) (Ortapamuk 2002)
Classiquement, les lésions ostéolytiques n'entraînent pas de réaction ostéoblastique notable.
Comme dans le myélome, la scintigraphie osseuse est souvent normale et n'est pas indiquée dans cette pathologie.
Lorsqu'elle est réalisée, elle peut cependant révéler des foyers d'hyperfixation.
La scintigraphie corps entier doit être couplée de façon systématique à une étude TEMP/TDM, comme dans le myélome.
Ortapamuk et Coll ont décrit une fixation diffuse du traceur sur les poumons dans une macroglobulinémie de Waldenström, en rapport avec une infiltration lymphoplasmocytoïde.
(Leblong 2006)
Des critères diagnostiques ont été proposés dans la maladie de Waldenström (2ème workshop) :
- Une IgM monoclonale sérique (quelle que soit la concentration)
- Une infiltration médullaire par des petits lymphocytes avec différenciation plasmocytaire
- Une infiltration à la biopsie médullaire souvent diffuse
- Un phénotype des cellules tumorales particulier : IgM+, CD5-/+, CD10-, CD19+, CD20+, CD22+, CD23-, CD25+, CD27+, FMC 7+, CD103-
Le taux de l'IgM monoclonale est variable.
Si le taux est élevé, il s'agit le plus souvent d'une maladie de Waldenström.
Au début de l'évolution, dans un tiers des cas, le taux est supérieur à 30 g/L.
La présence d'une infiltration médullaire B et d'une IgM monoclonale n'est pas pathognomonique d'une maladie de Waldenström.
Une LLC ou un LMNH seront identifiées par l'anatomopathologie et l'immunomarquage.
Dans le myélome multiple à IgM, on retrouve une infiltration médullaire purement plasmocytaire CD138+ et CD20-, des lacunes osseuses et une translocation impliquant le chromosome 14 (11,14) (q13,q32).
(Leblong 2006)
Certains patients ont un taux d'IgM élevé, une infiltration médullaire importante, mais sont asymptomatiques et n'ont pas de cytopénie.
Le temps médian de progression est estimé à 6,9 ans. Ces patients ne doivent pas être traités.
Les facteurs pronostiques en faveur d'une maladie rapidement progressive sont :
- une hémoglobine inférieure à 11,5 g/L
- une béta 2 microglobuline supérieure à 3 mg/L
- un taux d'IgM supérieure à 30 g/L
La combinaison de ces facteurs fournit trois groupes à risque :
L'absence des trois critères confère une médiane de progression estimée à 10 ans (55% des patients).
La médiane de progression est estimée à 2 ans si un seul facteur pronostique défavorable est présent.
La médiane de progression est estimée à 6 mois si deux ou trois facteurs pronostiques défavorables sont présents.
La médiane de survie des patients asymptomatiques au diagnostic est de 15 ans, alors qu'elle est de 8 ans pour les patients nécessitant un traitement.
Les patients symptomatiques doivent être traités.
Les critères d'institution d'un traitement sont les suivants :
- Présence de signes généraux : sueurs, fièvre, altération de l'état général
- Activité délétère de l'IgM
- Hémoglobine inférieure à 10 g/L et ou plaquettes inférieure à 100 X 109/L
- Masse tumorale importante
La médiane de survie varie de 5 à 10 ans selon les études.
Trois facteurs pronostiques sont en général retrouvés : l'âge (> 60-70 ans), la diminution du taux de l'hémoglobine et l'augmentation de la béta 2 microglobuline.
(Leblong 2006)
La maladie évolue par poussées successives avec élévation de la concentration de l'IgM monoclonale ou installation progressive d'une pancytopénie.
Les complications infectieuses ne sont pas rares.
Un cancer associé survient dans 14 à 16% des cas.
Jusqu'à 6% des décès peuvent être liés à la survenue d'un lymphome agressif (transformation histologique).
- Cotten A, Leleu X, Facon T
Chapitre 13 : Dyscrasies plasmocytaires
Imagerie musculosquelettique - Pathologies générales - A Cotten
Editions Masson, 2005:429-447
- Leblond V, Tournilhac O, Morel P
Maladie de Waldenstöm ou macroglobulinémie
Encycl Méd Chir (Elsevier SAS, Paris), Hématologie, 13-013-E-10,2006
- Marks MA, Tow DE, Jay M
Bone scanning in Waldenstrom's macroglobulinemia
J Nucl Med 1985;26:1412-1414
- Ortapamuk H, Alp A
Lung uptake on a bone scan: a case of pulmonary Waldenstrom's macroglobulinemia
Ann Nucl Med 2002;16:487-489
- Vande Berg B, Malghem J, Lecouvet F, Maldague B
Imagerie des lésions ostéomédullaires des cancers du tissu hématopoïétique
Encycl Méd Chir (Elsevier, Paris), Radiodiagnostic - Neuroradiologie-Appareil locomoteur, 31-192-E-10,1999,20p
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Copyright & copy; 1998, Dr Ph Granier
Date de création : 01/06/11
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