Lymphomes osseux
Plan :
1°) Généralités
2°) Clinique
3°) Biologie
4°) Examens radiologiques
5°) Anatomopathologie
6°) Scintigraphie osseuse
7°) Diagnostic différentiel
8°) Bilan d'extension
9°) Bibliographie
(Baris 2000) (Coley 1950) (Colombat 2009) (Delsol 2008) (Molina 2002) (Mulligan 1999) (O'Neill 2009) (Pittet-Barbier 2001) (Roux 2005) (Sans 2004) (Vande Berg 1999)
La classification internationale OMS stratifie les proliférations de phénotype B et/ou T/NK selon qu'elles sont issues de cellules précurseurs ou de cellules matures.
Par ailleurs, elle prend en compte l'architecture folliculaire ou diffuse de la prolifération tumorale et ses caractéristiques cytologiques, le phénotype B ou T/NK, les données cytogénétiques et/ou moléculaires (translocations, génome viral) et la présentation clinique de la maladie.
Cette classification, en constante évolution, différencie de multiples entités, parmi lesquelles on distingue en particulier les lymphomes malins non hodgkiniens (LMNH) et les lymphomes hodgkiniens (LH), qui présentent une grande diversité morphologique, biologique, clinique et évolutive.
Les LMNH surviennent à tous les âges, mais sont plus fréquents chez le sujet âgé (âge médian 55 ans) et présentent une légère prédominance masculine (sex ratio 1,4 hommes pour une femme).
Leur incidence est en constante augmentation. Cette augmentation est mondiale, mais prédomine dans les pays développés.
Les causes de cette majoration sont mal connues et intègrent de façon diverse des facteurs immunitaires, infectieux, chimiques, physiques, environnementaux, génétiques.
En France, leur incidence annuelle pour 100.000 habitants est de 8,2 chez les femmes et de 12,1 chez les hommes.
Ils occupent le 6ème rang des causes de mortalité dans les maladies cancéreuses et contribuent à 3 à 5% des décès par cancer.
Les LH représentent environ 25 à 40% de tous les lymphomes.
Ils comportent deux pics de fréquence, l'un entre 20 et 30 ans et l'autre au-delà de 50 ans et prédominent chez l'homme.
Leur incidence annuelle pour 100.000 habitants est de 1,7 pour les femmes et de 2,4 pour les hommes.
Les lymphomes sont responsables du développement de tumeurs au niveau des organes lymphoïdes, mais également au niveau de territoires non lymphatiques.
Les lymphomes extra-ganglionnaires représentent environ 5 à 25% des LMNH.
Les plus fréquents sont les lymphomes digestifs et les lymphomes ORL.
Les LMNH peuvent en fait toucher pratiquement tous les tissus et en particulier les os, la peau, le système nerveux central et les testicules.
Par contre, les LH intéressent très rarement les sites extra-nodaux.
Au sein de l'atteinte osseuse lymphomateuse, on distingue les lymphomes osseux systémiques, avec une extension osseuse secondaire et les lymphomes osseux primitifs, le plus souvent de localisation unique.
L'atteinte osseuse systémique survient le plus souvent au cours de l'évolution de la maladie ou lors des rechutes, chez plus de 25% des patients atteints d'un LMNH. Elle est rarement présente au moment du diagnostic initial du lymphome. L'infiltration microscopique de la moelle osseuse par ponction biopsie médullaire en crête iliaque est retrouvée chez 10 à 20% des adultes et chez 20 à 30% des enfants.
Le plus souvent, l'atteinte osseuse systémique des LH témoigne d'une rechute durant l'évolution d'un lymphome hodgkinien traité (60% des cas). Elle est le plus souvent multifocale. L'atteinte osseuse est rare au moment du diagnostic. L'infiltration microscopique de la moelle osseuse est présente dans 3 à 15% des cas au moment du diagnostic et dans 5 à 32% des cas au cours de l'évolution.
Les lymphomes osseux primitifs sont rares. Ils représentent environ 5% des lymphomes extra-ganglionnaires.
Ils peuvent survenir à tout âge. Toutefois, il semble exister un léger pic de fréquence dans la 4ème décennie (moyenne 42 ans), avec une prédominance masculine (sex ratio 1,5 hommes pour une femme).
La notion de lymphome osseux primitif est définie par la présence d'une tumeur osseuse isolée (avec extension possible aux ganglions régionaux), d'un bilan d'extension négatif durant les 6 mois qui suivent (absence d'atteinte ganglionnaire ou viscérale) et d'une preuve anatomopathologique (critères de Coley).
On décrit par ailleurs des lymphomes osseux primitifs multifocaux, qui ne présentent pas d'atteinte viscérale ou ganglionnaire dans les 6 mois (11 à 33% des lymphomes osseux primitifs).
En fait, ces formes primitives en apparence sont associées dans la majorité des cas à d'autres localisations ganglionnaires ou viscérales lors du bilan d'extension.
La majeure partie des lymphomes osseux primitifs correspond à des LMNH (94%) et la majorité sont des lymphomes à grandes cellules B.
Les LH ne représentent que 6% de l'ensemble des lymphomes osseux primitifs. Pour certains auteurs, la forme osseuse isolée de LH, sans atteinte d'autre tissu lymphoïde est quasiment inexistante.
Les lymphomes osseux primitifs n'ont pas de spécificité particulière. Leur pronostic et leur traitement dépendent de leur type histologique et de leur extension.
(Bosly 2007) (Cotten 2005) (Gaudin 1995) (Gressin 2009) (Heyning 1999) (O'Neill 2009) (Pittet-Barbier 2001) (Sans 2004)
Le diagnostic précoce de lymphome peut être particulièrement difficile lorsque la lésion osseuse est la seule manifestation.
Il s'agit en effet de lésions peu fréquentes qui révèlent un LMNH dans 2 à 5% des cas et un LH dans moins de 2% des cas.
Par ailleurs, les lymphomes osseux primitifs représentent 3 à 5% de l'ensemble des tumeurs osseuses malignes.
De plus, en début d'évolution ces lésions osseuses sont souvent cliniquement latentes ou pauci-symptomatiques, ce qui retarde leur diagnostic.
Lorsqu'elles existent, les manifestations cliniques, sont souvent peu spécifiques. Le délai moyen entre les premiers signes et le diagnostic est de 8 mois.
A un stade plus avancé, les douleurs sont fréquentes. On les retrouve dans 65 à 100% des cas dans les LMNH et dans 40 à 75% des cas dans les LH, où elles sont souvent nocturnes et parfois déclenchées ou exacerbées par l'absorption d'alcool (16% de cas).
L'examen clinique peut mettre en évidence une tuméfaction, souvent indolore au début, en regard de l'atteinte osseuse, en particulier dans les LMNH osseux primitifs (40 à 47% des cas).Une tuméfaction sternale est fréquente dans les LH.
Les fractures pathologiques touchent surtout les os longs. Elles sont parfois révélatrices d'un LMNH. Elles sont beaucoup plus rares dans les LH. Dans les LMNH osseux primitifs, on les observe dans 6 à 35% des cas.
Les localisations rachidiennes peuvent être responsables de signes neurologiques par compression médullaire ou radiculaire.
Un prurit peut orienter le diagnostic.
Les lymphomes osseux primitifs n'entraînent généralement pas d'altération de l'état général. Par contre, l'altération de l'état général n'est pas rare dans les lymphomes osseux systémiques, et en particulier dans les lymphomes diffus à grandes cellules B qui sont la variété la plus fréquente des LMNH (environ 1/3 de l'ensemble des lymphomes).
Devant une lésion osseuse, il faut systématiquement rechercher des signes généraux à type de fièvre supérieure à 38°c pendant plus d'une semaine sans explication, de perte de poids d'au moins 10% du poids du corps au cours des six derniers mois ou de sueurs nocturnes.
De plus, on peut parfois retrouver des signes de compression médiastinale ou abdominale par des masses ganglionnaires profondes ou une splénomégalie douloureuse. Ces signes orientent le diagnostic.
(Gaudin 19995) (Pittet-Barbier 2001) (Roux 2005)
Les anomalies biologiques sont fréquentes au cours des lymphomes, mais l'atteinte osseuse n'a aucune spécificité.
On peut observer une anémie, une lymphopénie, une thrombopénie, une polynucléose, une hyperéosinophilie, une thrombocytose inflammatoire.
Un syndrome inflammatoire biologique est classique avec majoration de la vitesse de sédimentation et de la C Réactive Protéine.
Les LDH sont en général augmentées (marqueur indirect de la masse tumorale).
L'élévation des phosphatases alcalines témoigne de la majoration du turn over osseux.
Il existe également une majoration de la ß2 microglobuline.
Une hypercalcémie est rare et exceptionnellement révélatrice. Elle est retrouvée dans moins de 10% des formes évoluées de LMNH.
On peut parfois noter la présence d'une immunoglobuline monoclonale sérique (IgM) dans 4 à 5% des LMNH.
(Cotten 2005) (Diard 2000) (Dürr 2002) (Gaudin 1995) (Mabille 1996) (Mulligan 1993) (Mulligan 1999) (O'Neill 2009) (Pittet-Barbier 2001) (Sans 2004)
La radiologie conventionnelle et la TDM révèlent les anomalies morphologiques osseuses. Ces anomalies ont une présentation variable.
a) Les lésions ostéolytiques :
Les lésions ostéolytiques sont les plus fréquentes dans les LMNH (50 à 80% des cas).
L'ostéolyse peut être de type perméatif (stade III de Lodwick), avec de multiples petites lacunes intra-osseuses, à limites floues, régulièrement disséminées ou au contraire confluentes par endroit.
L'ostéolyse peut être de type mité (stade II de Lodwick), avec de nombreuses lacunes ovales ou à bords déchiquetés qui peuvent confluer en plages plus étendues donnant un aspect microponctué ou mité à l'os.
Ces deux types d'ostéolyse traduisent le caractère agressif du lymphome.
Parfois, on peut observer une ostéolyse de type géographique à contours nets et avec une zone de transition courte.
Dans les LH, les lésions ostéolytiques sont également fréquentes (40 à 70% des cas), le plus souvent à type d'ostéolyse géographique de taille variable, souvent centrée par une petite zone d'ostéolyse perméative. L'aspect perméatif ou mité est plus rare que dans les LMNH.
Dans les lymphomes osseux primitifs, on observe le plus souvent des lésions lytiques (70% de cas), de type II ou III de Lodwick. Un aspect microponctué en motte est évocateur. La tumeur est souvent très allongée, au niveau de la métaphyse d'un os long, diffusant vers l'épiphyse et la diaphyse.
Dans les LMNH, l'extension osseuse se fait essentiellement par voie hématogène. Elle est moins souvent liée à une extension par contiguïté à partir d'une adénopathie pathologique. Dans les LH, la prolifération tumorale débute souvent au niveau d'un territoire ganglionnaire et l'extension osseuse se fait soit par atteinte directe à partir d'une adénopathie, soit parfois par dissémination hématogène.
Le type de dissémination peut déterminer l'aspect et la localisation des lésions.
En effet, une extension par contiguïté se traduit généralement par une érosion osseuse au contact de foyers ganglionnaires, touchant en particulier la face antérieure ou la face antéro-latérale des corps vertébraux, l'extrémité antérieure des côtes, le sternum et le pelvis. L'atteinte sternale, qui prédomine sur le manubrium, est évocatrice d'un LH.
Une dissémination hématogène est responsable de lésions en pleine pièce osseuse, qui peuvent donner à l'os un aspect soufflé, avec amincissement et rupture de la corticale.
b) Les lésions ostéocondensantes :
Les lésions ostéocondensantes sont rarement isolées dans les LMNH (5% des cas). Elles prennent volontiers l'aspect classique de vertèbre ivoire. Elles sont beaucoup plus rares dans les lymphomes osseux primitifs (2%), parfois après une radiothérapie ou une chimiothérapie.
Dans les LH, les lésions ostéocondensantes sont classiques (15 à 45% des cas) et donc évocatrices, surtout chez un adulte jeune. L'atteinte est en général limitée à une pièce osseuse qui est touchée en partie ou en totalité. Elle est parfois asymptomatique. Il s'agit le plus souvent d'une vertèbre ivoire. Généralement l'atteinte se focalise sur une seule vertèbre ou quelques fois un petit nombre de vertèbres. Les disques sont toujours respectés. Il peut exister des troubles neurologiques à type de compression radiculaire ou médullaire. Parfois, il existe un aspect strié pseudo-angiomateux. Les lésions ostéocondensantes des LH se rencontrent également sur le bassin, les os longs ou exceptionnellement sur le sternum.
c) Les lésions mixtes :
Les lésions mixtes, ostéolytiques et ostéocondensantes, sont présentes dans 10 à 16% des cas de LMNH. Ces lésions sont plus évocatrices d'un lymphome osseux primitif (28% des cas).
Dans les LH, les images mixtes se rencontrent dans 10 à 25% des cas, en particulier au niveau du bassin, avec une zone centrale ostéolytique entourée d'un anneau d'ostéosclérose.
d) Autres anomalies :
- Une rupture corticale est fréquemment retrouvée dans les lymphomes, en particulier dans les envahissements osseux par contiguïté. La corticale est plus longtemps respectée dans les atteintes hématogènes.
- Une réaction périostée, souvent de type lamellaire ou spiculaire, est observée de façon discrète et peu fréquente dans les LMNH. Dans les lymphomes osseux primitifs, la réaction périostée est plus fréquente (50 à 60% des cas), témoignant alors d'une lésion agressive et de pronostic péjoratif. Elle serait plus fréquente dans les LH, en particulier dans les lésions mixtes du bassin, où elle peut prendre un aspect lamellaire ou en rayons de soleil.
- Une extension aux parties molles est fréquente, étendue, souvent bien tolérée. Sur les clichés, les parties molles apparaissent tuméfiées et densifiées. Il existe souvent une rupture corticale et une réaction périostée associées. Classiquement, l'importance de l'extension dans les parties molles contraste avec une faible atteinte de la corticale (tunellisation intra-corticale).
- Des fractures pathologiques peuvent être mises en évidence, essentiellement au niveau des os longs. Les tassements vertébraux sont exceptionnels aux stades initiaux, mais sont fréquents dans l'évolution.
- Rarement, on peut observer des calcifications intra-tumorales ou dans les parties molles. On peut également rencontrer des séquestres osseux, en particulier dans les lymphomes osseux primitifs (11% des cas), faisant discuter une lésion infectieuse à type d'ostéomyélite chronique ou une tumeur primitive (fibrosarcome).
- Exceptionnellement, une ostéoarthropathie hypertrophiante pneumique peut être mise en évidence, surtout en cas d'atteinte médiastinale des LH.
- Tardivement, on peut observer une ostéosclérose squelettique diffuse en réponse à une maladie médullaire extensive ou à une fibrose médullaire diffuse en particulier dans les LH.
L'IRM montre des lésions volontiers hétérogènes. Elle apparaissent hypointenses en T1 et hypo, iso ou hyperintenses en T2.
On décrit des lésions focales, essentiellement dans les lymphomes de hauts grades de malignité, qui apparaissent hypointenses en T1 et iso à hyperintenses en T2. Les lésions scléreuses sont hypointenses en T2 et hyperintenses en suppression des graisses et se rehaussent après injection de Gadolinium.
Il existe d'autre part des infiltrations diffuses de la moelle osseuse, rencontrées plus souvent dans les lymphomes de bas grade, qui peuvent ne pas présenter de modification du signal. Dans l'infiltration diffuse prononcée, il existe une diminution homogène du signal en T1 et une hyperintensité aux séquences de saturation des graisses et rehaussement après injection de Gadolinium.
L'IRM permet l'évaluation de l'étendue de l'infiltration médullaire, de la destruction osseuse et de l'envahissement des tissus mous.
Classiquement dans les lymphomes osseux, la destruction corticale est souvent modérée, alors que l'infiltration des parties molles adjacentes est importante.
Cet aspect diffère franchement de l'importante destruction corticale habituelle associée à l'envahissement des tissus mous péri-osseux dans les tumeurs osseuses primitives.
L'IRM peut mettre en évidence de petits pertuis linéaires intracorticaux, hyperintenses en T2, qui pourraient témoigner de l'extension tumorale par tunnélisation corticale dans les lymphomes osseux.
(Bosly 2007) (Park 2007) (Pittet-Barbier 2001)
Lorsque les données cliniques, la biologie et la radiologie conventionnelle sont suffisamment évocatrices d'un lymphome osseux ou plus généralement d'une lésion osseuse agressive, une biopsie ostéomédullaire est réalisée.
Les anomalies anatomopathologiques observées dépendent du type de lymphome.
Les lymphomes diffus à grandes cellules B se présentent sous la forme d'une prolifération diffuse de cellules B lymphomateuses de grande taille, dont le noyau est plus de deux fois celui d'un lymphocyte normal ou supérieur à celui d'un macrophage.
Sur le plan immunohistochimique, les marqueurs B sont généralement exprimés (CD19, CD20, CD22, CD79a).
Dans 50 à 75% des cas des immunoglobulines sont présentes en surface ou dans le cytoplasme.
L'étude cytogénétique et la biologie moléculaire retrouvent de nombreuses anomalies cytogénétiques récurrentes, dont aucune n'est strictement spécifique. On observe classiquement des anomalies des oncogènes BCL2 et BCL6 et/ou des mutations de la protéine p53.
(Bosly 2007) (Bouabdallah 2010) (Chain 2007) (Corres 1991) (Cotten 2005) (Curi 2001) (Derbel 1999) (Diard 2000) (Dürr 2002) (Ellinger 1989) (Frankel 1974) (Gaudin 1995) (Gill 2000) (Granier 2009) (Granier 2011) (Gressin 2009) (Hafian 2004) (Heyning 1999) (Leeson 1989) (Mabille 1996) (Montravers 1994) (Mulligan 1993) (Mulligan 1999) (Nakamura 1997) (O'Neill 2009) (Orzel 1988) (Park 2007) (Paycha 2010) (Pittet-Barbier 2001) (Recine 2002) (Roux 2005) (Sans 2004) (Tran 1992) (Yoon 2001) (Zinzani 2003)
Dans les lymphomes osseux, la scintigraphie osseuse corps entier est très sensible, mais peu spécifique. Elle n'est plus indiquée dans le bilan des lymphomes connus.
Par contre, elle peut être très utile pour orienter le diagnostic vers un lymphome chez un patient adressé pour bilan de douleurs osseuses, lorsque le premier bilan clinique, biologique et radiologique n'a pas donné d'orientation étiologique nette.
L'examen doit comprendre un balayage corps entier et une acquisition TEMP/TDM.
L'examen corps entier étudie le nombre, le type et la localisation des anomalies de fixation observées.
Dans les lymphomes, elle met en évidence plusieurs types d'images.
Les lésions des LMNH et des LH se traduisent essentiellement par des foyers d'hyperfixation (98% des cas), dont l'intensité est variable, de discrète à intense (Lymph1a).
La scintigraphie osseuse révèle parfois des lésions cliniquement et radiologiquement muettes (Lymph2a).
Dans les localisations osseuses systémiques des LMNH, les lésions touchent préférentiellement le squelette axial et l'extrémité supérieure des fémurs (75% des cas).
Par ordre décroissant, on les observe sur le rachis, le bassin, les côtes, le sternum, le crâne et les os de la face.
L'atteinte des os longs est moins fréquente, mais peut être multifocale, bilatérale et symétrique.
Les localisations multifocales seraient plus fréquentes en cas d'atteinte extra-osseuse associée.
Dans les localisations osseuses systémiques des LH, les lésions se localisent surtout au squelette axial (77% des cas) et en particulier au rachis thoraco-lombaire.
Les autres localisations sont par ordre décroissant, le bassin (aile iliaque), les côtes, le fémur, le sternum, la clavicule, l'humérus et le crâne.
Les lésions osseuses sont le plus souvent multiples (66% des cas), surtout chez l'adulte.
Les lymphomes osseux primitifs peuvent toucher toutes les pièces osseuses, mais se localisent préférentiellement aux régions métaphysaires et diaphysaires des os longs (71%), en particulier autour du genou (fémur 21,5%, tibia 13%) et sur l'extrémité supérieure de l'humérus (11%).
Ils peuvent également toucher les os plats (22%) et tout particulièrement l'omoplate (4,4%), la mandibule (5%) et le bassin (12%), mais également le rachis (20%).
Les lymphomes osseux primitifs multifocaux se localisent surtout autour des genoux (21% des cas) et sur le rachis.
La majorité ont une atteinte intéressant à la fois le genou et le crâne (63% des cas).
Leur présentation est comparable à celle des lymphomes osseux primitifs unifocaux.
Les plages d'hypofixation sont très rares.
Des lésions mixtes avec hypofixation centrale cernée d'une hyperfixation périphérique s'observent parfois, essentiellement dans les lymphomes osseux primitifs.
Les faux négatifs de la scintigraphie osseuse sont rares.
Ils représentent 2 à 5 % des cas dans les LMNH et 1 à 9% des cas dans les LH.
Ils sont en général liés à des lésions lytiques très agressives sans réaction ostéoblastique significative.
Rarement, le faux négatif peut être lié à un envahissement squelettique diffus avec aspect de superscan non reconnu.
L'imagerie hybride TEMP/TDM permet d'explorer de façon efficace les pathologies osseuses.
Elle identifie et localise de façon précise les anomalies de fixation et les corrèle aux lésions morphologiques. Dans les lymphomes, l'exploration TEMP retrouve les anomalies métaboliques déjà décrites et les localise de façon précise aux régions corticales et/ou spongieuses sur le squelette axial et/ou appendiculaire grâce aux images de fusion.
L'exploration TDM couplée révèle les anomalies morphologiques osseuses, parfois déjà observées sur les clichés radiographiques conventionnels et la TDM.
L'imagerie hybride TEMP/TDM permet ainsi de décrire plusieurs lésions individuelles qui associent des informations métaboliques et des informations morphologiques.
Dans les lymphomes osseux, la lésion élémentaire la plus fréquente correspond à l'association d'une hyperfixation à une ostéolyse (Lymph1b) (Lymph2b) (Lymph2c) (Lymph2d).
Parfois, l'hyperfixation correspond à une zone osseuse normale sur les images TDM, en particulier en début d'évolution.
L'IRM montre souvent un envahissement médullaire important en regard.
Les rares lésions ostéocondensantes sont classiquement hyperfixantes en TEMP.
Les lésions hypofixantes sont classiquement ostéolytiques.
Certaines ostéolyses de petite taille ou très agressives peuvent ne pas entraîner de réaction ostéoblastique.
Enfin, en particulier dans les lymphomes osseux primitifs, certaines lésions peuvent associer un aspect mixte en TEMP et/ou en TDM (Lymph2e).
La scintigraphie osseuse corps entier et l'imagerie TEMP/TDM mettent parfois en évidence une pathologie extra-osseuse.
Dans les lymphomes, on peut découvrir des adénopathies profondes ou une atteinte extra-ganglionnaire associée.
Parmi les localisations extra-ganglionnaires, l'atteinte des voies aérodigestives supérieures est fréquente.
L'anneau de Waldeyer est la première localisation.
Les fosses nasales et les sinus sont la seconde localisation (7 à 22% des lymphomes de siège ORL).
Il s'agit le plus souvent de LMNH et en particulier de lymphomes diffus à grandes cellules B.
Les LH peuvent également présenter une localisation sinusienne, mais celle-ci s'intègre alors le plus souvent au sein d'une atteinte ganglionnaire cervicale.
Les lymphomes du sinus maxillaire sont soit localisés au sinus (stade IE d'Ann Arbor), soit associés à d'autres localisations ganglionnaires et/ou extra-ganglionnaires (stade IV) (Lymph2f).
Les maladies malignes des sinus paranasaux sont rares (0,2 à 0,8% de tous les cancers).
Le sinus maxillaire est la localisation la plus fréquente (60 à 70% des cas).
Il s'agit le plus souvent de cancers épidermoïdes.
Les lymphomes ne représentent que 8% de ces tumeurs.
Leur diagnostic n'est le plus souvent établi que par l'examen anatomopathologique.
Ces tumeurs sont longtemps asymptomatiques ou pauci-symptomatiques, ce qui explique le retard fréquent du diagnostic.
Elles sont souvent révélées par leur extension aux fosses nasales, à l'orbite ou à la cavité buccale.
Sur le plan clinique, une tuméfaction indolore de l'hémiface est fréquente (25% des cas).
Quelquefois, les douleurs évoquent une sinusite chronique avec rhinosinusite.
Parfois des douleurs maxillaires miment une pathologie dentaire.
Le diagnostic de tumeur du sinus doit être évoqué en cas d'échec du traitement ORL ou odontologique bien conduit, ou en cas de paresthésies dans le territoire du trijumeau associées.
Rarement, une exophtalmie (1,5 à 5% des cas), un ptosis ou une cécité unilatérale sont observés.
Exceptionnellement, une atteinte intraoculaire a été rapportée.
(Moazzam 2002) (Paycha 2001) (Paycha 2010) (Rossi 1987)
Le diagnostic différentiel des lymphomes osseux se pose différemment selon qu'on est confronté à une atteinte monoostotique ou polyostotique.
Devant une atteinte monoostotique, on doit discuter, en fonction de l'âge du patient et de la localisation lésionnelle, une ostéomyélite chronique, une tumeur osseuse primitive (ostéosarcome, chondrosarcome, sarcome d'Ewing, fibrosarcome) ou une métastase unique.
Une lésion ostéocondensante fera évoquer en particulier une métastase osseuse, une maladie de Paget ou un angiome vertébral.
Devant une atteinte polyostotique, on doit discuter avant tout des métastases osseuses ou un myélome multiple, lorsque les lésions sont ostéolytiques.
Des lésions ostéocondensantes feront envisager en premier lieu des métastases ostéocondensantes ou une maladie de Paget.
La scintigraphie osseuse couplée à la TEMP/TDM peut participer au diagnostic différentiel.
(Bodet-Milin 2009) (Cotten 2005) (Mabille 1996) (Pittet-Barbier 2001) (Sans 2004)
L'imagerie médicale permet d'établir le stade des lymphomes (classification d'Ann Arbor) et de suivre leur évolution sous traitement.
Le bilan d'extension comprend un examen clinique (adénomégalies, organomégalies), un bilan biologique standard, une TDM thoraco-abdomino-pelvienne, une ponction biopsie de moelle en crête iliaque et une tomographie d'émission de positons au 18F-Fluorodéoxyglucose couplée à une tomodensitométrie (FDG-TEP).
Dans les localisations osseuses, la TDM et surtout l'IRM étudient l'extension des lésions dans la moelle osseuse et l'envahissement dans les parties molles.
L'IRM est également très utile dans les localisations rachidiennes.
La FDG-TEP est fortement recommandée dans le bilan initial, dans l'évaluation thérapeutique intermédiaire (après 1 à 4 cures de chimiothérapie) et dans l'évaluation post-thérapeutique (caractérisation des masses résiduelles), en particulier dans les lymphomes diffus à grandes cellules B et dans les LH.
Le diagnostic positif des lymphomes repose uniquement sur l'anatomopathologie.
L'atteinte osseuse est identifiée grâce à la biopsie ostéomédullaire.
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Date de création : 23/04/11
Date de mise à jour :
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