Hypertension artérielle rénovasculaire et scintigraphie rénale sensibilisée par le Captopril
Plan :
Les examens complémentaires prescrits dans le bilan d'une HTRV
La scintigraphie rénale sensibilisée par le Captopril
La stratégie d'exploration
Les limites de le scintigraphie rénale
Conclusion

Dans les pays industrialisés, l'hypertension artérielle (HTA)
touche environ 10 % de la population. Elle est le plus souvent essentielle.
L'HTA rénovasculaire (HTRV), bien que peu fréquente (moins de
1 % de toutes les HTA), représente une étiologie potentiellement
curable.
L'HTRV est due, dans 3/4 des cas, à une sténose athéromateuse
et dans 1/4 des cas à une lésion fibrodysplasique. Les autres
étiologies sont plus rares et variées (anévrismes, artérites...).
Les sténoses artérielles rénales sont relativement fréquentes.
On les rencontre même chez des patients non hypertendus (jusqu'à
30 - 50 % dans des séries autopsiques). La découverte d'une sténose
artérielle rénale chez un patient hypertendu ne signifie donc
pas que l'HTA est d'origine rénovasculaire.
La preuve diagnostique de l'HTRV n'est faite qu'a posteriori, lorsque l'HTA
est corrigée ou au moins améliorée par le traitement chirurgical
ou l'angioplastie.
La revascularisation rénale ne guérit en fait que 45 à
50 % des HTA associées à une sténose artérielle
rénale.
Les méthodes de revascularisation sont responsables d'autre part d'environ
10 % de complications graves et de 2 % de décès.
La revascularisation peut être envisagée pour traiter l'HTRV, mais
également pour sauvegarder le parenchyme rénal menacé par
une sténose artérielle sub-occlusive, en particulier en cas d'insuffisance
rénale ou de petit rein.
Cet article a pour but de préciser les indications et le mode de réalisation
de la scintigraphie rénale sensibilisée par le Captopril dans
l'HTA. Il se fonde en partie sur l'excellente revue faite par A. Prigent dans
l'European Journal of Nuclear Medicine (Eur. J. Nucl. Med. 1993; 20 :625-644).
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De multiples méthodes d'exploration, radiologiques ou biologiques, peuvent entrer dans le bilan de l'HTRV. Elles se regroupent en trois catégories dont nous allons successivement discuter.
1°) Les méthodes permettant de visualiser la sténose rénale :
* L'artériographie est la méthode de référence. Il s'agit d'une technique invasive et onéreuse, qui peut être responsable de complications vasculaires ou rénales. Les complications majeures représentent 1,2 % (emboles, thromboses, toxicité du produit de contraste). Les décès sont rares (0,l %). Une sténose est dite significative si elle réduit d'au moins 50 % le diamètre luminal (ou 70 % le calibre de l'artère). Il n'existe pas actuellement de méthode de quantification objective. Enfin et surtout, la relation entre réduction du calibre artériel et degré d'ischémie rénale est faible.
* L'angiographie numérisée par voie veineuse (DIVA) est moins invasive et moins onéreuse, mais elle pèche par une résolution plus faible, responsable d'artéfacts (10 % d'examens interprétables). Sa sensibilité est de l'ordre de 80 %. Les faux négatifs sont fréquents en cas de fibrodysplasie (jusqu'à 50 %).
* L'Echographie-Doppler est une technique non invasive et peu onéreuse, qui demande un minimum d'une heure d'examen pour un opérateur expérimenté. Il s'agit d'un examen très opérateur-dépendant. L'introduction du doppler couleur ne semble pas améliorer sa sensibilité qui varie selon les études entre 75 et 100 %. Sa spécificité varie entre 73 et 100 %.
* L'intérêt de l'imagerie par résonance magnétique nucléaire est encore en cours d'évaluation. Elle réalise une angiographie sans injection de produit de contraste. Elle ne semble fiable que pour le segment artériel proximal. L'examen dure environ 40 mn.
* Le scanner spiralé semble prometteur, mais des travaux complémentaires sont nécessaires pour l'évaluer de façon satisfaisante.
2°) Les méthodes permettant de mettre en évidence l'hyperactivité du système rénine-angiotensine :
Elles sont simples et peu coûteuses, mais leur intérêt clinique est loin d'être prouvé.
* L'activité rénine plasmatique (ARP) ou la concentration plasmatique de rénine active n'ont que peu d'intérêt. Leur sensibilité et leur spécificité sont faibles (respectivement 57 % et 66 %).
* Le test au Captopril permet de mesurer l'augmentation de l'ARP après une prise unique de Captopril. Sa sensibilité et sa spécificité sont très variablement appréciées selon les études (respectivement 34 à 100 % et 72 à 95 %).
3°) Les méthodes permettant de localiser de manière directe ou indirecte l'asymétrie de sécrétion de rénine :
* L'urographie intraveineuse avec clichés précoces minutés
n'est plus indiquée de nos jours en raison de ses faibles performances
diagnostiques (sensibilité et spécificité voisines de 60 %).
* Le cathétérisme étagé des veines rénales
avec mesure de l'ARP (ou de la rénine) permet de mettre en évidence
l'asymétrie de production de rénine. Il est abandonné au
profit des méthodes isotopiques par certaines équipes en raison
de ses plus faibles performances diagnostiques (sensibilité 80 %; spécificité
62 %; valeur prédictive positive 92 %; valeur prédictive
négative 35 %).
4°) Les méthodes isotopiques seront détaillées dans
le chapitre suivant.
Il s'agit d'un examen non invasif, fiable et précis, faisant appel à
des radio-isotopes, très peu irradiant, mais relativement onéreux.
1°) La sélection des patients :
La scintigraphie rénale doit être réalisée après sélection clinique des patients.
Certains signes doivent faire évoquer une HTRV :
- Début brutal d'une hypertension avant 20 ans ou après 50 ans ;
- Aggravation brutale d'une HTA préalablement contrôlée ;
- HTA réfractaire chez un patient compliant ;
- HTA maligne ou accélérée ;
- HTA chez un fumeur porteur de sténoses artérielles dans d'autres territoires ;
- Présence d'un souffle systolo-diastolique abdominal ;
- HTA avec insuffisance rénale inexpliquée progressive ou insuffisance rénale réversible induite par un inhibiteur de l'enzyme de conversion ou tout autre traitement anti-hypertenseur ;
- Multiples épisodes d'OAP chez un patient hypertendu insuffisant rénal.
2°) La préparation des patients :
Les traitements anti-hypertenseurs peuvent influencer le résultat de la scintigraphie rénale en modifiant la sécrétion de rénine, ou l'hémodynamique intra-rénale (faux positifs et faux négatifs). Il est préférable de réaliser le test après arrêt de tout traitement. Deux types de médicaments anti-hypertenseurs doivent être impérativement arrêtés :
- les inhibiteurs de l'enzyme de conversion, 3 jours avant pour les molécules à demi-vie courte et 5 jours avant pour les molécules à demi-vie plus longue ;
- les diurétiques doivent être stoppés au moins 48 heures avant.
De même un régime sans sel doit être interrompu 48 à 72 heures avant l'examen.
3°) La réalisation du test :
Le patient est laissé en décubitus dorsal pendant toute la durée de l'étude. Une voie veineuse périphérique est mise en place et entretenue par une perfusion de sérum glucosé à 5 %. Une hydratation per os est systématiquement donnée (10 ml/Kg).
Une première scintigraphie rénale est réalisée à l'état de base, après l'injection en bolus du traceur marqué au Technétium 99m (99m-Tc). L'acquisition, en incidence postérieure, se fait en mode dynamique pendant 30 mn.
Un test au Captopril clinique est ensuite réalisé après la prise de 50 mg per os. Le pouls et la tension artérielle sont surveillés toutes les 15 mn pendant une heure. Le patient, de préférence à jeun, doit croquer son Captopril et l'avaler avec un peu d'eau pour permettre une absorption digestive optimale.
Une deuxième scintigraphie rénale est alors réalisée pour évaluer l'effet du Captopril.
La durée totale du test est de 2 heures 30 lorsqu'il est réalisé en un seul temps.
4°) Le traceur à utiliser :
Deux types de traceurs technétiés sont actuellement utilisés de façon routinière en Médecine Nucléaire :
- d'une part le DTPA (Acide Diéthylène Triamine Pentacétique), éliminé par filtration glomérulaire est comparable à l'inuline ;
- d'autre part le MAG 3 (Mercaptoacyltriglycine), éliminé par sécrétion tubulaire, mais également par filtration glomérulaire qui a un comportement proche de l'Hippuran.
Actuellement, le DTPA est le produit le plus utilisé chez les patients avec fonction rénale normale. Le MAG 3 est préféré en cas d'insuffisance rénale (créatininémie > 200 µMoles/1).
5°) L'interprétation des résultats :
a) Les bases physiopathologiques :
Les effets d'une sténose rénale évoluent en deux phases successives dans le temps :
- A la phase initiale, la sténose provoque, du côté
atteint, une baisse de la pression de perfusion glomérulaire et une ischémie
rénale qui induit une hyperproduction de rénine et d'angiotensine
II. Cette dernière entraîne une vasoconstriction de l'artériole
efférente post-glomérulaire, ce qui rétablit la pression
de perfusion glomérulaire et normalise ou même augmente le débit
de filtration glomérulaire (DFG). De l'autre côté‚ le DFG
est majoré et la production de rénine est effondrée. L'administration
d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion de l'angiotensine diminue la production
d'angiotensine II et provoque la levée de la vasoconstriction de l'artériole
efférente, ce qui fait s'effondrer de façon unilatérale la
pression de perfusion glomérulaire et donc le GFR. A ce stade, le traitement
de la sténose artérielle rénale guérit l'HTA.
- A la phase tardive, du côté de la sténose,
le DFG est effondré et la production de rénine est diminuée
ou nulle. De l'autre côté‚ le DFG est normal ou diminué‚ et
la production de rénine est nettement augmentée. L'administration
d'un inhibiteur de l'enzyme de conversion ne modifie plus de manière significative
le DFG. Le traitement de la sténose ne permet plus la guérison de
l'HTA.
b) Les critères d'interprétation :
1) Les critères visuels :
Dans un premier temps, la séquence d'images obtenues est analysée de façon visuelle. Plusieurs index, comparables à ceux permettant l'interprétation de l'UIV, sont utilisés :
- l'asymétrie de taille des reins,
- le retard d'apparition du traceur dans le pyélon,
- la rétention prolongée du traceur dans le pyélon,
- un uptake parenchymateux hétérogène (compatible avec
une sténose artérielle rénale segmentaire).
2) Les critères quantitatifs :
L'étude des rénogrammes (courbes représentant la variation
d'activité en fonction du temps) permet de calculer de multiples index
quantitatifs. Le calcul de ces index donne des renseignements précis
et reproductibles, ce qui permet d'améliorer la sensibilité de
détection de l'HTRV et de comparer les examens entre eux et dans le temps
(suivi de l'évolution d'une sténose connue).
Les plus utilisés sont les suivants :
- la captation maximale ou fonction relative de chaque rein, exprimée
en pourcentage,
- la pente ascendante de la courbe de captation ou des index dérivés
(Kirschner, Washida...),
- le temps du maximum d'activité (T max),
- le temps de transit parenchymateux,
- l'activité résiduelle à la 30ème mn,
- la pente d'excrétion (Tl/2).
Certains de ces index visuels et quantitatifs ont été évalués
dans l'étude multicentrique européenne sur le DTPA et appliqués
aux examens avant et après Captopril. La séquence d'images a été
analysée de façon semi-quantitative. Un score supérieur
ou égal à 2 a été considéré comme
pathologique. La captation relative était considérée comme
pathologique en dessous de 40 %, et le T max entre 2 mn et 10 mn. En analysant
la détérioration entre l'examen sans Captopril et l'examen après
Captopril, les critères de positivité suivants ont été
retenus :
- une détérioration du néphrogramme avec score supérieur
ou égal à 2,
- une captation relative inférieure à 40 % et qui diminue de plus
de 5 %,
- un T max entre 2 mn et 10 mn avec majoration de plus de 2 mn.
Aux USA un groupe d'experts a déterminé une gradation du néphrogramme
(Consensus Commitee of the Working Party on Diagnostic Criteria for Renovascular
Hypertension). Cette gradation permet de définir la probabilité
d'HTRV en fonction du néphrogramme avant et après Captopril et
surtout en fonction des variations entre ces deux néphrogrammes.
A partir de l'analyse du néphrogramme on détermine :
- le grade 0 : normal,
- le grade 1 : retard modéré du pic (T max entre 6 et 11 mn),
- le grade 2 : retard net du pic (T max > 11 mn), avec un grade 2 A s'il persiste
une phase excrétoire et un grade 2 B s'il n'existe plus de phase excrétoire.
La probabilité d'une HTRV est d'autant plus forte que le grade du néphrogramme
est élevé et qu'il existe une plus forte augmentation de grade
entre l'examen avant et l'examen après Captopril.
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La scintigraphie rénale sensibilisée par le Captopril peut être
utilisée de deux façons dans le bilan des HTA suspectées
d'être d'origine rénovasculaire :
- soit en screening chez tous les patients suspects. Il faut, dès
lors, utiliser le protocole qui a la meilleure sensibilité au détriment
de la spécificité. On réalisera donc uniquement une scintigraphie
rénale post-Captopril (sensibilité 92 % ; spécificité
65 %). Tous les patients dont le test est positif sont alors explorés
par artériographie.
- soit pour prouver l'imputabilité d'une sténose rénale
connue dans l'HTA et donc le caractère réversible de cette
HTA après revascularisation. On utilisera alors le protocole qui a la
meilleure spécificité au détriment de la sensibilité.
Pour cela on réalisera une scintigraphie avant et après Captopril
et on ne tiendra compte que des variations entre ces deux examens (sensibilité
76 % ; spécificité 90 %). Tous les patients dont le test est positif
seront traités revascularisés. La survenue de variations avant
et après Captopril a une valeur prédictive positive de 97 % et
une valeur prédictive négative de 72 % pour prédire la
guérison ou au moins l'amélioration d'une HTRV.
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Elles sont au nombre de trois : les petits reins, l'insuffisance rénale
et les sténoses bilatérales.
- Le problème des petits reins :
Un rein diminué de taille et/ou de fonction est responsable d'un faux
positif à la scintigraphie rénale réalisée avec
ou sans Captopril. Il ne faut donc tenir compte que des variations avant et
après Captopril. Une absence de variation plaide, s'il existe une sténose
rénale, pour une HTRV non réversible. Une revascularisation peut
cependant être envisagée pour sauver le parenchyme rénal
encore fonctionnel. L'évaluation du parenchyme rénal encore fonctionnel
se fait au moyen d'une scintigraphie rénale au DMSA.
- Le problème des sténoses artérielles rénales
bilatérales :
Les sténoses bilatérales retentissent de façon bilatérale
sur la filtration glomérulaire. Ce retentissement est en général
asymétrique. On observe donc un effondrement bilatéral (et souvent
asymétrique) des courbes de captation et des index. Très souvent
cependant un effondrement bilatéral des courbes correspond à un
faux positif lié à la prise de diurétiques et/ou d'un régime
désodé.
- Le problème de l'insuffisance rénale :
L'altération bilatérale de la filtration glomérulaire rend
impossible l'utilisation d'un traceur glomérulaire comme le DTPA-Tc 99m
(dès 200 µM/1 de créatininémie). Le MAG 3-Tc 99m doit
alors être utilisé. Dans cette indication sa valeur diagnostique
reste encore en évaluation. Là encore seules les variations entre
le test avant et après Captopril peuvent être retenues. L'insuffisance
rénale diminue très nettement la sensibilité du test au
Captopril. En cas d'insuffisance rénale, la revascularisation peut également
être retenue pour sauver le parenchyme encore fonctionnel, menacé
par des sténoses rénales.
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La scintigraphie rénale sensibilisée par le Captopril est un
examen non invasif et peu irradiant, mais relativement onéreux. Elle
nécessite un tri clinique préalable, de façon à
sélectionner les patients à risque d'HTRV et l'arrêt des
thérapeutiques anti-hypertensives (diurétiques et inhibiteurs
de l'enzyme de conversion).
Lorsque ces conditions sont respectées, la scintigraphie rénale
sensibilisée par le Captopril est l'examen non invasif qui a la meilleure
sensibilité et la meilleure spécificité (DIVA comprise)
dans le bilan des HTRV. Elle permet de plus de sélectionner les patients
qui répondront au traitement chirurgical.
Cet examen qui reste encore confidentiel, mérite de voir dans l'avenir
ses indications augmenter, car il permet la meilleure stratégie d'exploration
des HTRV.
Bibliographie :
- Granier P. - Hypertension artérielle rénovasculaire
et scintigraphie rénale sensibilisée par le Captopril - Cardiologie
Pratique 1995 ; 330 : 1 - 11
- Maisey M.N., Britton K.E., Gilday D.L. - Clinical Nuclear Medicine
- Chapman and Hall Medical 1991.
- Mettler F. A., Guiberteau M. J. - Essentials of Nuclear Medicine Imaging
- W. B. Saunders Compagny 1991
- Prigent A. et coll. - Eur. J. Nucl. Med. 1993; 20 : 625-644
 
Tous droits réservés
Copyright & copy; 1998, Dr Ph Granier
Date de création : 13/07/98
Date de mise à jour : 02/05/99
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