Place de la scintigraphie hépato-biliaire dans le diagnostic de la cholécystite aiguë

Plan :

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La scintigraphie hépato-biliaire permet une étude fonctionnelle de la captation et de l'excrétion hépatique, de la perméabilité des voies biliaires intra et extra-hépatiques et de la vésicule biliaire.
C'est l'examen réalisé en urgence, en première intention, aux USA devant une suspicion de cholécystite aiguë.
En France cet examen reste à tort méconnu. Pourtant sa rentabilité diagnostique est élevée (sensibilité 96%, spécificité 87%).
Il s'agit d'un examen non invasif, qui peut être réalisé en ambulatoire, dans le cadre de l'urgence, au même titre que la scintigraphie pulmonaire, dans tous les services de Médecine Nucléaire.


I - Physiopathologie :

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Les produits utilisés sont des dérivés de l'acide iminodiacétique qui rentrent en compétition avec la bilirubine au niveau hépatique. Ils ont une forte liaison protéique, un pouvoir d'extraction hépatique élevé et un temps de transit hépatique court. Ils sont excrétés dans la bile et concentrés dans la vésicule biliaire. Une très faible partie du produit est éliminée par voie urinaire.
Ils sont marqués avec du 99m-Technétium, ce qui rend ces traceurs disponibles à tout moment.

II - Réalisation de l'examen :

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Le patient, à jeun depuis au moins trois à quatre heures, est exploré en décubitus dorsal. Le champ de la caméra scintigraphique est centré sur l'abdomen.
Une voie veineuse est mise en place un peu avant le début de l'examen et entretenue au moyen d'une perfusion.
Le traceur est injecté en IV bolus (2 à 5 mCi ) et l'acquisition en mode dynamique dure habituellement une heure à raison d'une image toutes les minutes.
Des images tardives à la 4ème, la 6ème ou même la 24ème heure peuvent être utiles si la vésicule biliaire n'est pas visualisée dans la première partie de l'examen.
De plus en plus d'auteurs utilisent un protocole plus court, grâce à une injection IV de Morphine (0,04 mg/kg diluée dans 10 ml de sérum salé physiologique en 3 minutes) à la 30ème minute de l'examen, lorsque la vésicule n'est pas visualisée.
L'injection de Morphine provoque une contraction du sphincter d'Oddi, ce qui augmente la pression dans les voies biliaires, et assure un remplissage de la vésicule biliaire par voie rétrograde si le canal cystique est perméable.

III - Interprétation :

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Normalement les voies biliaire intra-hépatiques sont visualisées vers la 5-10ème minute, les voies biliaires extra-hépatiques et la vésicule biliaire vers la 20-30ème minute. En tout état de cause la vésicule biliaire doit être visualisée dans la première heure de l'examen.
Lorsque la vésicule biliaire n'est pas visualisée durant ce délai, alors que la voie biliaire principale et le duodénum sont visualisés, le diagnostic de cholécystite aiguë est probable. Ceci signe une obstruction partielle ou complète du canal cystique. Pour augmenter la sensibilité de l'examen, des clichés tardifs doivent être réalisés.
Si la vésicule biliaire est visualisée dans les quatre premières heures le diagnostic de cholécystite aiguë est exclu. Dans le cas contraire ce diagnostic est très probable. L'utilisation d'une injection de Morphine à la 30ème minute de l'examen permet de raccourcir le temps d'acquisition et surtout d'augmenter la sensibilité de l'examen. Deux signes, bien que rarement rencontrés, sont cependant intéressants à connaître :

  • Le signe du bord ("rim sign") correspond à une augmentation croissante de la captation hépatique au niveau de la zone adjacente à la fossette vésiculaire. Il traduirait une cholécystite gangreneuse.
  • Le signe du canal cystique dilaté ("dilated cystic duct sign") correspond à la visualisation de la partie proximale du canal cystique en rapport avec une obstruction de sa portion terminale ou du col vésiculaire.

IV - Limitations :

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Trois points sont importants à connaître pour interpréter correctement l'examen :

  • la vésicule biliaire peut être non vue lorsque le patient est à jeun depuis plus de 24 heures, lorsqu'il est sous nutrition parentérale, en cas de pancréatite chronique ou d'alcoolisme chronique. Chez les patients en jeûne prolongé ou en alimentation parentérale, on peut diminuer le nombre de faux positifs en réalisant un pré-traitement avant le début de l'examen par un dérivé de la Cholécystokinine (Sincalide IV 30 minutes avant le début de l'examen).
  • dans la cholécystite alithiasique, la vésicule biliaire peut être visualisée. C'est une pathologie peu fréquente (2 à 3 % des cas de cholécystites aiguës), mais responsable d'un certain nombre de faux négatifs.
  • l'hyperbilirubinémie diminue l'extraction hépatique du traceur, ce qui gêne la visualisation de la voie biliaire principale et de la vésicule biliaire. Lorsqu'elle est élevée l'interprétation de l'examen peut être difficile, voire impossible.

V - Place dans la démarche diagnostique :

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Lorsqu'il est typique, le tableau clinique conduit le médecin ou le chirurgien à porter immédiatement le diagnostic de cholécystite aiguë. Lorsqu'il est plus atypique, ce qui n'est pas rare, le tableau clinique nécessite l'utilisation rapide d'examens complémentaires qui vont soit étayer le diagnostic, soit orienter vers une autre pathologie médicale ou chirurgicale.

A l'heure actuelle l'échographie abdominale est systématiquement réalisée en première intention.
Cet examen morphologique peut servir au diagnostic positif en montrant un épaississement des parois vésiculaires, des lithiases vésiculaires, ou un signe de Murphy au passage de la sonde échographique, et/ou au diagnostic différentiel en orientant par exemple vers une colique néphrétique, ou une lithiase de la voie biliaire principale.
Cependant les renseignements apportés par cet examen manquent souvent de spécificité. En effet, s'il est vrai que les lithiases biliaires sont détectées par les ultrasons avec une grande sensibilité, la présence d'une lithiase ne signe pas systématiquement une cholécystite aiguë. De même un épaississement des parois de la vésicule biliaire est loin d'être pathognomonique d'une cholécystite aiguë.

La scintigraphie hépato-biliaire, examen fonctionnel, analyse de façon fiable la perméabilité du canal cystique. Or la cholécystite aiguë est une inflammation aiguë de la vésicule biliaire d'origine lithiasique, qui s'accompagne dans 98 % des cas d'une obstruction du canal cystique. Ceci explique la grande valeur diagnostique de l'examen.

La non visualisation de la vésicule biliaire a une valeur prédictive positive de 87.5 % et une valeur prédictive négative de 96 % pour le diagnostic de cholécystite aiguë.

La scintigraphie hépato-biliaire a, à nos yeux, une place prépondérante dans la démarche diagnostique chez un patient présentant un syndrome douloureux abdominal avec suspicion de cholécystite aiguë ne faisant pas rapidement sa preuve à l'issue du bilan clinique, biologique et radiologique habituel.
Elle doit être demandée le plus précocement possible, dans les premières heures, de façon à être réalisée et interprétée dans les meilleures conditions (absence de jeûne prolongé, absence d'hyperbilirubinémie importante).

VI - Conclusion :

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La scintigraphie hépato-biliaire est un examen qui existe depuis de nombreuses années. Son intérêt est potentialisé par l'amélioration des traceurs et du matériel, et la possibilité de la réaliser en urgence. Elle mériterait d'avoir une place plus importante en pathologie digestive en général, et dans le diagnostic des cholécystites aiguës en particulier.

Bibliographie :

- Maisey M.N., Britton K.E., Gilday D.L. - Clinical Nuclear Medicine - Chapman and Hall Medical 1991.
- Mettler F. A., Guiberteau M. J. - Essentials of Nuclear Medicine Imaging - W. B. Saunders Compagny 1991.
- Siegler B. A., Kirchner P. T. - Nuclear Medicine : Self-Study Program I - Society of Nuclear Medicine 1988

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Copyright & copy; 1998, Dr Ph Granier
Date de création : 16/01/99
Date de mise à jour : 02/05/99