Place des radio-isotopes dans le bilan des tumeurs hépatiques

Plan :

goCaractéristiques des différentes tumeurs

  L'hémangiome hépatique

  L'adénome hépato-cellulaire

  L'hyperplasie nodulaire focale

  L'hépatome

goLes examens biologiques
goLes examens morphologiques

  L'échographie abdominale

  Le scanner abdominal

  L'IRM

goLes examens isotopiques

  La scintigraphie aux radiocolloïdes

  La scintigraphie au Gallium

  La scintigraphie aux globules rouges

  La scintigraphie hépato-biliaire

goLa démarche diagnostique

  Bilan d'orientation

  Bilan non invasif

  Bilan invasif

goConclusion

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Les plus fréquentes tumeurs hépatiques sont les métastases. Leur diagnostic ne pose en général pas trop de problèmes. La généralisation de l'utilisation de l'échographie abdominale a permis de montrer la fréquence des tumeurs hépatiques primitives qui sont le plus souvent cliniquement silencieuses.
Le diagnostic différentiel entre kystes et tumeurs solides est en général facile. Les tumeurs hépatiques solides les plus fréquentes sont l'hémangiome, l'hyperplasie nodulaire focale (HNF), l'adénome et l'hépatome.
Ces lésions posent des problèmes :
  • de diagnostic, puisque près de la moitié ne sont toujours pas identifiées à l'issu du bilan non invasif,
  • de traitement, car certaines tumeurs comme les hépatomes doivent être réséquées, d'autres comme les HNF et les hémangiomes doivent être respectées, et d'autres enfin comme les adénomes seront soit réséquées, soit surveillées en fonction des habitudes des équipes chirurgicales ou de la présence d'une complication,
  • de conduite à tenir vis à vis d'une contraception orale ou d'une grossesse désirée.
Compte-tenu de la fréquence élevée des lésions bénignes parmi les tumeurs primitives solides, et des complications potentielles des examens invasifs, il est indispensable d'optimiser au maximum le bilan non invasif.
Les examens complémentaires ont une sensibilité équivalente, voisine de 80 à 90 % dans la détection des tumeurs hépatiques. Cette sensibilité est fonction de la taille des lésions. Elle est meilleure pour les examens morphologiques. Elle est améliorée pour certains examens isotopiques par l'utilisation de la tomoscintigraphie. Les examens complémentaires ont une faible spécificité qui ne dépasse guère 50 %.
Seuls certains signes sont pathognomoniques ou très fortement évocateurs et nous attacherons à les décrire.

I - Caractéristiques des différentes tumeurs :

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1°) L'hémangiome hépatique :

C'est la tumeur hépatique la plus fréquente. On la rencontre dans 7 % des autopsies. Il existe une prédominance féminine.
Cette lésion non encapsulée est constituée d'espaces vasculaires à paroi endothéliale mince, sans cellule musculaire lisse, tissu élastique ou hépatocyte. La lésion peut être multifocale dans 10 % des cas. Elle siège le plus souvent dans la partie postérieure du lobe droit. Sa taille varie généralement entre 1 et 4 cm de diamètre.
La lésion est le plus souvent asymptomatique. Les complications (thrombose, hémorragie intra-tumorale, rupture spontanée) sont rares.

2°) L'adénome hépato-cellulaire :

C'est une tumeur rare, rencontrée essentiellement chez la femme entre 15 et 50 ans. Son incidence augmente avec la prise d'une contraception orale prolongée et fortement dosée. Son volume peut diminuer à l'arrêt de la contraception orale et augmenter à l'occasion d'une grossesse.
Elle est constituée d'hépatocytes normaux ou peu atypiques, mais ne comprend pas de structure biliaire. La masse est entourée d'une capsule fibreuse. Elle est le plus souvent unique. Le diagnostic différentiel avec un hépatome bien différencié est parfois très difficile histologiquement.
Les complications (douleurs abdominales, rupture intra-tumorale, rupture intra-péritonéale) ne sont pas rares.

3°) L'hyperplasie nodulaire focale (HNF) :

Elle est dix fois plus fréquente que l'adénome. Elle atteint essentiellement la femme entre 20 et 50 ans. La responsabilité des contraceptifs oraux n'est pas bien établie.
La lésion, non encapsulée, multiple dans 20 % des cas, est caractérisée par une cicatrice centrale d'aspect stellaire vascularisée et contient des cellules de Küpffer et des hépatocytes normaux qui peuvent concentrer la bile.
Une cicatrice centrale n'est pas spécifique de l'HNF puisqu'on la rencontre dans certains adénomes, hémangiomes ou hépatomes. Par contre, l'hypervascularisation de cette cicatrice centrale est pathognomonique de l'HNF.
Elle est rarement symptomatique et les complications sont peu fréquentes.

4°) L'hépatome :

Dans les pays occidentaux, il touche essentiellement les hommes d'âge mûr. Son incidence est de 1 à 7 / 100.000 et survient le plus souvent sur un foie cirrhotique.
Les cellules tumorales peuvent avoir encore la capacité de concentrer la bile. La lésion peut se présenter sous la forme d'un nodule unique, de nodules multiples ou sous une forme infiltrante.
Il est rapidement symptomatique et peut se compliquer d'une rupture intra-tumorale ou intra-péritonéale, d'un ictère obstructif, d'une obstruction porte ou sus-hépatique.
L'hépatome fibrolamellaire est une tumeur unique, bien différenciée, qui ne survient pas sur un terrain cirrhotique. Il touche les patients jeunes, sans prédominance de sexe. Son diagnostic tant clinique qu'histologique est particulièrement difficile.
Il a une faible agressivité et donc un meilleur pronostic que la forme classique de l'hépatome.

II - Les examens biologiques :

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En dehors des formes compliquées, les tumeurs bénignes ne s'associent pas à une élévation des enzymes hépatiques et il n'existe pas de syndrome inflammatoire ou de trouble de la coagulation.
Par contre, ces anomalies peuvent être notées dans l'hépatome en association avec une élévation franche de l'alpha-foetoprotéine.
L'hépatome fibrolamellaire s'accompagne d'une élévation des enzymes hépatiques, mais l'alpha-foetoprotéine est normale.

III - Les examens morphologiques :

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1°) L'échographie abdominale :

L'hémangiome se présente comme une masse hyperéchogène, polylobée, homogène, bien limitée, avec un renforcement postérieur. Cette image typique est notée dans 70 % des cas. Il n'existe jamais de halo hypoéchogène autour de la lésion (absence de capsule).
L'adénome se présente sous la forme d'une tumeur arrondie, fréquemment hétérogène, à contours réguliers et entourée d'une capsule.
Dans l'HNF, la lésion a une échogénicité voisine de celle du foie. Elle est homogène, bien limitée, et parfois plurinodulaire avec une zone centrale hétérogène correspondant à une cicatrice fibreuse d'aspect stellaire. Le doppler peut montrer une hypervascularisation d'aspect radiaire au sein de la cicatrice centrale.
L'échogénicité des hépatomes varie en fonction de la taille de la tumeur et de la composition histologique des nodules tumoraux. Il existe parfois un halo périphérique hypoéchogène correspondant à une capsule fibreuse.

2°) Le scanner abdominal :

L'hémangiome est un tumeur hypodense avant injection de produit de contraste. Après l'injection, la prise de contraste se fait de façon centripète avec persistance des contrastes sur les images tardives.
Une masse qui prend le contraste de façon uniforme et devient isodense sur les images tardives va faire évoquer soit un adénome, soit une HNF.
La présence d'une capsule plaidera pour un adénome.
Une cicatrice centrale hypervascularisée au temps tardif plaidera en faveur d'une HNF.
L'hépatome se présente comme une tumeur isodense à la phase vasculaire, qui devient hyperdense et hétérogène après l'injection du produit de contraste. Une capsule peut être mise en évidence. Le diagnostic sera certain s'il existe un envahissement portal ou sus-hépatique. Un hépatome solitaire, non compliqué, peut mimer un adénome.
L'hépatome fibrolamellaire se présente comme un hépatome classique sans signe d'envahissement.

3°) L'IRM :

L'hémangiome se présente comme une masse hypointense, homogène, bien limitée en T1, et très hyperdense en T2.
Une masse isointense ou légèrement hyperintense en T1 et modérément hyperintense en T2 évoquera un adénome ou une HNF.
La présence d'un halo périphérique hypointense plaidera pour un adénome (capsule fibreuse). Une lésion aux bords mal limités et une cicatrice centrale hyperintense en T2 sont des aspects très évocateurs d'une HNF.
Le diagnostic d'hépatome sera très suggestif s'il existe une lésion hyperintense en T1 et en T2, des nodules fils, une capsule ou une pseudocapsule.
Un envahissement portal ou sus-hépatique témoignera du caractère malin de la lésion.
L'hépatome fibrolamellaire mime souvent l'HNF. Il peut se présenter sous la forme d'une tumeur bien limitée, avec ou sans cicatrice centrale, isointense ou légèrement hyperintense en T2, ou sous la forme plus classique de l'hépatome décrit ci-dessus.

IV - Les examens isotopiques :

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1°) La scintigraphie aux radiocolloïdes marqués au Technétium-99m :

Les radiocolloïdes sont captés spécifiquement par les cellules du système réticulo-endothélial du foie, de la rate et de la moelle osseuse.
Les tumeurs hépatiques qui possèdent des cellules de Küpffer fixeront le radiotraceur.
On peut noter une masse hyperfixante qui sera pathognomonique d'une HNF (7% des cas d'HNF).
La tumeur peut être isofixante, ce qui plaidera pour une HNF (58 % des cas).
La tumeur peut être hypofixante, ce qui ne permettra pas de trancher entre les différents types de tumeurs et n'éliminera pas une HNF (35 % des cas).

2°) La scintigraphie au Gallium-67 :

Le Gallium est capté par les cellules tumorales possédant des récepteurs à la Transferrine.
Cet examen doit toujours être interprété par rapport aux résultats de la scintigraphie aux radiocolloïdes.
L'utilisation d'une technique de soustraction des images peut aider à cette analyse.
Une tumeur fixant les radiocolloïdes et le Gallium est caractéristique d'une HNF.
Une tumeur ne fixant ni les radiocolloïdes ni le Gallium fait évoquer un adénome.
Une tumeur ne fixant pas les radiocolloïdes, mais fixant le Gallium est caractéristique d'un hépatome, surtout si cette fixation est plus intense que le reste du foie. L'hépatome fibrolamellaire conserve cette caractéristique.

3°) La scintigraphie aux globules rouges marqués au Technétium-99m :

Cet examen réalise une étude du pool sanguin hépatique par les hématies marquées et permet de visualiser les tumeurs vasculaires.
Il a une sensibilité de 95 à 100 % et une spécificité de près de 100 %. Il est actuellement considéré comme l'examen de référence.
Typiquement la tumeur est hypocaptante sur les images précoces, puis hypercaptante sur les images tardives.

4°) La scintigraphie hépato-biliaire aux dérivés de l'IDA marqués au Technétium-99m :

Les dérivés de l'IDA sont des traceurs possédant les caractéristiques biologiques de la bilirubine. Les tumeurs composées d'hépatocytes normaux ou même anormaux pourront donc les capter s'ils ont gardé la capacité de concentrer la bile.
Son intérêt est encore en cours d'évaluation dans le bilan des masses hépatiques.
Une tumeur fixant d'emblée le traceur et restant hyperfixante sur les images tardives plaide en faveur d'une HNF.
L'hépatome a été décrit comme une tumeur hypofixante sur les images précoces, puis hyperfixante sur les images tardives.
Il faut noter que cet aspect n'est pas pathognomonique, puisqu'il a été également décrit dans les adénomes.

IV - La démarche diagnostique :

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Compte-tenu de la faible spécificité des examens complémentaires non invasifs, il y a lieu de les associer de façon à obtenir une certitude diagnostique ou du moins un faisceau d'arguments suffisamment solide.

1°) Bilan d'orientation :

a) L'étude du terrain :

Une lésion survenant chez une femme jeune ou d'âge moyen, surtout si elle est sous contraception orale, et sans antécédent de pathologie hépatique fait plutôt évoquer une tumeur bénigne.
Une lésion survenant chez un homme au delà de la cinquantaine ou sur un foie cirrhotique doit faire penser à un hépatome.

b) La biologie :

Une perturbation de la biologie hépatique ou un syndrome inflammatoire fait penser à une tumeur maligne ou à une tumeur bénigne compliquée, en particulier à un adénome.
L'absence d'anomalie biologique plaide plutôt pour une tumeur bénigne.
Une élévation franche de l'alpha-foetoprotéine signe l'hépatome.

c) L'échographie hépatique :

Ce doit être le premier examen à réaliser compte-tenu de sa facilité de mise en œuvre, de son faible coût et de son apport diagnostique.
Elle permet de localiser la tumeur, de reconnaître une lésion kystique et de caractériser une lésion solide.
Elle doit être complétée par un doppler vasculaire s'il existe dans la tumeur une zone hétérogène évoquant une cicatrice.
Si cette cicatrice est hypervascularisée, il s'agit d'une HNF et le bilan peut s'arrêter là.

2°) Bilan non invasif :

Après ce premier bilan, il existe deux approches possibles :
  • Soit continuer les examens morphologiques, en réalisant un scanner avec produit de contraste, et si nécessaire une IRM et passer aux isotopes si le diagnostic n'est toujours pas posé.
  • Soit passer directement aux explorations isotopiques en les orientant en fonction du contexte clinique : radiocolloïdes et Gallium pour une suspicion d'hépatome, d'adénome ou d'HNF, globules rouges marqués pour une suspicion d'hémangiome.
    La scintigraphie hépato-biliaire aux dérivés de l'IDA doit pour l'instant être réservée à quelques cas particuliers comme le diagnostic des HNF, après avoir épuisé les autres examens non invasifs.
    Si le bilan isotopique reste négatif, il faut repasser aux examens morphologiques.
En dehors des quelques rares signes pathognomoniques, il est nécessaire d'avoir au moins deux examens qui vont dans le même sens pour retenir le diagnostic de tumeur bénigne.

3°) Bilan invasif :

Si le diagnostic n'est pas fait à l'issu de ce bilan non invasif et qu'il persiste un doute sur une tumeur maligne, il conviendra d'utiliser des méthodes plus invasives de diagnostic, comme la ponction percutanée à l'aiguille ou la biopsie sous laparoscopie ou même de réaliser une résection chirurgicale.

V - Conclusion :

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Le diagnostic des masses solides hépatiques, surtout lorsqu'elles se présentent sous la forme d'une lésion unique, asymptomatique, sur foie sain peut être extrêmement difficile.
Les méthodes morphologiques et isotopiques doivent être utilisées selon une démarche diagnostique rigoureuse qui doit tenir compte des contingences locales et des habitudes des équipes médico-chirurgicales.
En règle générale, il est nécessaire d'avoir au moins deux examens qui vont dans le même sens pour retenir le diagnostic de tumeur bénigne.
Une surveillance, le plus souvent échographique, reste nécessaire.
Le moindre doute sur une lésion maligne doit conduire à la biopsie ou à la résection.

Bibliographie :

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- Maisey M.N., Britton K.E., Gilday D.L. - Clinical Nuclear Medicine - Chapman and Hall Medical 1991.
- Mettler F. A., Guiberteau M. J. - Essentials of Nuclear Medicine Imaging - W. B. Saunders Compagny 1991
- Siegler B. A., Kirchner P. T. - Nuclear Medicine : Self-Study Program I - Society of Nuclear Medicine 1988

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Copyright & copy; 1998, Dr Ph Granier
Date de création : 23/01/99
Date de mise à jour : 02/05/99