La scintigraphie osseuse en Cancérologie

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La scintigraphie osseuse est devenue en quelques années un outil diagnostic indispensable en pathologie osseuse en général, et en cancérologie en particulier.
Elle fait appel à l'injection IVD de dérivés phosphonates marqués au Technétium-99m.
Ces produits quittent rapidement le secteur sanguin pour atteindre le compartiment osseux, où ils s'accumulent dans les zones d'ostéogenèses actives.

La fixation des traceurs osseux dépend de multiples paramètres, tels le débit sanguin local, la perméabilité de la barrière capillaire et de la barrière ostéoblastique, et l'activité métabolique (activité ostéoblastique).

Les lésions osseuses peuvent influencer un ou plusieurs de ces paramètres et modifier ainsi la fixation locale du radiotraceur.
Sur le plan pratique les modalités d'explorations osseuses diffèrent selon la pathologie en question. La recherche de lésions osseuses secondaires fait appel à la scintigraphie corps entier.
Les clichés sont réalisés en balayage antérieur, puis postérieur de tout le corps, en moyenne deux à trois heures après l'injection du traceur (durée totale de l'examen 2 h 30 à 3 h 30). Entre l'injection et l'acquisition le patient doit boire environ un litre d'eau de façon à éliminer le maximum de traceur non fixé à l'os (amélioration du contraste), et à augmenter son excrétion rénale (diminution de l'irradiation).
La fixation normale du radiotraceur est habituellement homogène et symétrique.

I - Diagnostic positif de métastases osseuses

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Lors du premier bilan, la probabilité de découvrir des métastases osseuses est fonction de la tumeur primitive, de sa forme histologique et de son stade clinique.
La scintigraphie osseuse fait partie intégrante du bilan des cancers les plus ostéophiles comme les cancers du sein, de la prostate, du poumon, et du rein.
Dans les cancers moins ostéophiles cet examen ne doit pas être prescrit en première intention, mais seulement en cas de signes d'appel osseux.
Le diagnostic de métastases osseuses peut-être plus ou moins difficile en fonction du mode de présentation scintigraphique. On peut schématiquement en distinguer quatre types différents :

a) Les lésions sont multiples :

Les métastases osseuses se révèlent le plus souvent par des foyers d'hyperfixation multiples, asymétriques, essentiellement localisés au squelette axial.
Lorsque les anomalies se présentent sous cette forme, le diagnostic ne fait guère de doute, surtout si elles surviennent lors du suivi d'un cancer ostéophile.
Les localisations métastatiques les plus fréquentes sont par ordre de fréquence le thorax et les côtes (37 %), le rachis et le bassin (26 %), les membres (15 %), le crâne (10 %), les extrémités (10 %).

b) Il existe une ou deux lésions :

Le diagnostic est plus difficile lorsque la scintigraphie révèle un ou deux foyers d'hyperfixation, surtout si le patient n'a pas d'antécédent de néoplasie.
Les caractéristiques des lésions peuvent orienter. En effet, les lésions métastatiques sont en général très hyperfixantes. Elles sont plutôt mal limitées et diffusent volontiers le long des os.
L'expression clinique et radiologique des métastases osseuses est en général retardée. Du fait de sa très forte sensibilité la scintigraphie osseuse a en moyenne quatre mois d'avance sur les signes radiographiques. Mais ce délai peut dépasser un an.
Par contre sa spécificité n'est pas excellente, ce qui signifie qu'elle différencie mal une lésion métastatique d'une lésion osseuse d'autre origine.
Il ressort de cela que tout foyer scintigraphique doit faire l'objet d'une vérification radiologique. En fonction du résultat de la radiographie, on doit envisager trois possibilités :
· les clichés radiographiques centrés confirment les métastases osseuses ;
· les radiographies montrent des anomalies osseuses d'autre origine (lésions arthrosiques multiples, séquelles traumatiques, maladie de Paget...);
· enfin les radiographies peuvent être normales.
L'association d'une lésion scintigraphique osseuse à une radiographie normale doit faire porter le diagnostic de métastase osseuse (précocité des signes scintigraphiques). Une étude tomodensitométrique ou éventuellement une biopsie osseuse confirmeront ce diagnostic.

c) L'envahissement est diffus :

Lorsque les métastases osseuses sont disséminées sur tout le squelette, on peut rencontrer le tableau scintigraphique de " Superscan Métastatique ".
Il se traduit par une importante hyperfixation du traceur sur l'ensemble du squelette prédominant cependant sur le squelette axial. Cette hyperfixation est très souvent hétérogène. L'importante hyperfixation squelettique s'accompagne d'une très faible visualisation des reins (grande avidité des lésions métastatiques pour le radiotraceur).
Ce tableau se rencontre essentiellement dans les cancers du sein et de la prostate.

d) Les lésions sont hypofixantes :

Lorsque l'apport sanguin est nul ou lorsque le tissu osseux est remplacé par du tissu tumoral, on peut observer une ou plusieurs plages d'hypofixation sur la scintigraphie osseuse.
Ces lésions se rencontrent essentiellement dans la maladie de Kahler, le cancer du rein et parfois dans le cancer du poumon.
Elles peuvent se présenter comme des zones purement froides ou comme des zones froides entourées d'un liseré hyperfixant. Des lésions hyperfixantes et des lésions hypofixantes peuvent parfois s'associer sur la même scintigraphie.
La scintigraphie osseuse a une faible sensibilité pour le diagnostic de telles lésions, par ailleurs peu fréquentes. Les faux négatifs de l'examen sont estimés à moins de 3 %.

II - Diagnostic différentiel :

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L'interprétation de la scintigraphie osseuse doit intégrer les antécédents médicaux, chirurgicaux et traumatiques obtenus par l'interrogatoire du patient. Quelques exemples permettront d'illustrer ce propos.
La notion d'un traumatisme thoracique récent avec douleurs costales confortera le diagnostic de fractures de côtes devant des foyers d'hyperfixation ponctuels, bien alignés sur plusieurs arcs costaux.
Une radiothérapie est responsable d'une hypofixation des zones osseuses irradiées. C'est le cas pour le rachis dorsal après radiothérapie pour cancer broncho-pulmonaire.
Une mastectomie provoque souvent une hyperfixation dans les tissus mous si elle est récente (attrition tissulaire), et une hyperfixation costale si elle est plus ancienne (absence de l'atténuation normale liée au sein).
De même après mastectomie on note parfois une hyperfixation homolatérale de l'épaule liée à une algodystrophie.
Dans les cancers bronchiques on peut rencontrer une hyperfixation linéaire, intense, péri-corticale au niveau des os longs, liée à une ostéo-arthropathie hypertrophiante (aspect en " ligne de tram "). Cette lésion peut régresser rapidement après traitement de la lésion primitive.
Parfois enfin, après une chimiothérapie on peut voir une hyperactivité au niveau des épiphyses des os longs en rapport avec une expansion médullaire, qui n'a rien de pathologique.
Comme nous l'avons vu ci-dessus, les examens radiographiques jouent un rôle fondamental dans le diagnostic différentiel en raison de leur bonne spécificité.

III - Le suivi :

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La scintigraphie osseuse occupe une place privilégiée dans le bilan en cancérologie. Elle est un élément indispensable de l'évaluation initiale des cancers ostéophiles et de leur suivi, en association avec les marqueurs tumoraux.
Lors du bilan initial, la découverte de métastases osseuses cliniquement silencieuses peut modifier fortement la conduite à tenir. Un geste chirurgical peut être récusé.
L'apparition de métastases osseuses lors du suivi peut conduire à modifier le protocole thérapeutique.
La scintigraphie permet de suivre l'efficacité des traitements instaurés.

Au cours du suivi scintigraphique du patient, trois situations peuvent se rencontrer :

a) Le nombre de lésions osseuses diminue sur les examens successifs.

L'efficacité des thérapeutiques en cours est démontrée.

b) Le nombre et l'aspect des lésions ne se modifie pas.

La persistance, sans modification, de foyers scintigraphiques à six mois d'intervalles, ne doit pas faire conclure à l'absence de réponse au traitement. En effet l'hyperfixation correspond à une hyperostéoblastose et donc peut être liée simplement au processus de guérison osseux.

c) Le nombre de lésions et/ou l'intensité de la fixation des lésions augmente.

Le plus souvent il s'agit d'une aggravation de la pathologie néoplasique.
Cependant dans les six mois qui suivent une chimiothérapie ou une hormonothérapie il peut apparaître une augmentation de l'activité au niveau des lésions osseuses antérieurement présentes. Il peut même se démasquer de nouvelles lésions qui n'étaient pas visibles précédemment. Ce phénomène, appelé " phénomène d'éclat ", consiste en une réponse ostéoblastique intense qui survient quand les lésions métastatiques guérissent. Ce tableau scintigraphique est le plus souvent rencontré dans les cancers de la prostate et du sein.
En dehors d'une aggravation clinique évidente, il n'y a donc pas d'intérêt à réaliser un contrôle scintigraphique dans les six mois qui suivent une thérapeutique anticancéreuse.
Chez certains patients chez lesquels la pathologie néoplasique est à un stade évolué, la scintigraphie osseuse permet de dépister des lésions qui fragilisent l'os et qui comportent un risque de fracture. Après confirmation radiologique, une réparation prophylactique peut alors être envisagée.

IV - Conclusion :

La scintigraphie osseuse fait partie intégrante du bilan des cancers ostéophiles, en association avec les marqueurs tumoraux, tant lors du bilan initial que lors du suivi.
Par contre dans les cancers peu ostéophiles, cet examen ne sera pratiqué qu'en cas de signe d'appel osseux.
L'interprétation de l'examen osseux doit prendre en compte les antécédents médicaux, chirurgicaux et traumatiques du patient.
En cancérologie, comme en pathologie osseuse en général, la Médecine Nucléaire et la Radiologie ont une très forte complémentarité. De par sa forte sensibilité, la scintigraphie osseuse utilisée en première intention permet un diagnostic précoce des métastases osseuses. Par contre sa faible spécificité nécessite un contrôle des anomalies osseuses découvertes par des clichés radiographiques centrés, des coupes tomodensitométriques et éventuellement une biopsie osseuse.

Bibliographie :

- Granier P. - La scintigraphie osseuse en Cancérologie - Rhumatologie Pratique 1997 ; 166 : 3-4.
- Maisey M.N., Britton K.E., Gilday D.L. - Clinical Nuclear Medicine - Chapman and Hall Medical 1991.
- Mettler F. A., Guiberteau M. J. - Essentials of Nuclear Medicine Imaging - W. B. Saunders Compagny 1991
- Siegler B. A., Kirchner P. T. - Nuclear Medicine : Self-Study Program I - Society of Nuclear Medicine 1988

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Date de création : 14/07/98
Date de mise à jour : 02/05/99