La scintigraphie myocardique dans l'insuffisance coronarienne stable

Plan :

Les indications de la scintigraphie myocardiques :

goQuatre types d'indications dans l'insuffisance coronarienne stable

Les tests de provocation de l'ischémie :

goA - Les différentes méthodes de stress
goB - Le choix du test de provocation de l'ischémie
goC - Conduite à tenir vis à vis des traitements anti-ischémiques
goD - Préparation des patients

Les radiotraceurs utilisés :

goA - Les radiopharmaceutiques
goB - La réalisation de l'examen scintigraphique en fonction du traceur utilisé
goC - Le choix du radiotraceur

Les résultats de la scintigraphie myocardique :

goA - Corrélation entre images scintigraphiques et anomalies coronarographiques
goB - L'interprétation des images scintigraphiques
goC - Les résultats en fonction du contexte clinique

Conclusion :

goRôle clé dans le bilan des cardiopathies ischémiques

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La Cardiologie est une spécialité en continuelle évolution. La Cardiologie Nucléaire n'échappe pas à cette dynamique. En quelques années de très nombreux progrès ont vu le jour dans de multiples domaines :
* les méthodes de stress (tests pharmacologiques),
* les radiotraceurs (traceurs technétiés),
* l'acquisition des images (tomoscintigraphie, caméras multidétecteurs, études synchronisées à l'électrocardiogramme),
* l'interprétation des images (quantification),
* l'évolution des indications (viabilité, pronostic).

Le caractère fonctionnel des renseignements apportés et les importants progrès techniques survenus ces dernières années, placent la scintigraphie myocardique au centre de la stratégie d'exploration des patients coronariens. Pourtant, cette technique reste sous-employée ou mal utilisée, le plus souvent en raison de son caractère encore trop confidentiel.

Cet article a pour but de refaire le point sur la place de la scintigraphie myocardique. Pour cela nous envisagerons successivement les indications de l'examen, les tests de provocation de l'ischémie, les radiotraceurs utilisés, et nous discuterons des résultats de la scintigraphie myocardique, tout en sachant que ces différents thèmes sont en fait interdépendants.

I - Les indications de la scintigraphie myocardique :

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L'American College of Cardiology et l'American Heart Association répartissent les procédures cardio-vasculaires en trois classes en fonction de leur utilité diagnostique (JACC 1995; 25 : 521-545) :
· classe I : examens appropriés et utiles;
· classe II : examens acceptables mais dont l'utilité est moins bien établie avec :
II a : des arguments existent en faveur de leur utilité;
II b : examens potentiellement utiles, mais dont l'utilité n'est pas bien établie;
· classe III : examens en général non appropriés.

La scintigraphie myocardique a quatre types d'indications dans l'insuffisance coronarienne stable :

1) Le diagnostic d'ischémie myocardique :
· patients symptomatiques et patients asymptomatiques sélectionnés (diabétiques,...) avec ischémie myocardique silencieuse (classe I);
· planification d'une angioplastie et identification des lésions responsables d'une ischémie myocardique (classe I) ;
· dépistage de patients asymptomatiques avec faible probabilité de maladie coronaire (classe III pour tous les tests);
2) L'évaluation du pronostic d'une cardiopathie ischémique :
· localisation, évaluation de l'étendue et de l'intensité de l'ischémie (classe I);
· stratification du risque avant chirurgie non cardiaque (classe I);
3) L'évaluation de l'efficacité des traitements :
· patients symptomatiques après angioplastie (classe I);
· patients symptomatiques après pontage (classe I);
· patients asymptomatiques sélectionnés (anomalies électrocardiographiques à l'effort ou au repos...) après angioplastie ou pontage (classe I);
· évaluation de l'effet des traitements médicaux (classe II b);
· évaluation en routine de patients asymptomatiques après pontage ou angioplastie (classe III pour tous les tests) ;
4) La recherche de viabilité myocardique :
· recherche de viabilité myocardique chez les patients avec dysfonction ventriculaire gauche dans l'objectif d'une revascularisation (classe I).

II - Les tests de provocation de l'ischémie :

En Médecine Nucléaire, le stress n'est que le temps préparatoire à l'examen scintigraphique. Il est utilisé pour produire une hétérogénéité perfusionnelle qui sera mise en évidence par l'injection du radiotraceur et l'acquisition scintigraphique.

1°) Les différentes méthodes de stress :

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Trois types de stress peuvent être utilisés pour provoquer une ischémie myocardique : les tests d'effort, les méthodes pharmacologiques (Dipyridamole, Adénosine, Dobutamine) et l'association test d'effort et méthode pharmacologique.
Les épreuves d'effort et la Dobutamine provoquent une augmentation de la consommation myocardique en oxygène.
Le Dipyridamole et l'Adénosine agissent par le biais d'une vasodilatation coronaire directe. Le Dipyridamole augmenterait les concentrations locales d'Adénosine par diminution de son catabolisme et de sa captation cellulaire. Chez le sujet sain, on observe une augmentation du débit coronaire global sans action vasodilatatrice significative sur les gros vaisseaux coronaires de conductance, par vasodilatation au niveau de la microcirculation coronaire distale. En cas de sténose coronaire serrée, ces deux produits agissent par l'intermédiaire d'une chute de la pression de perfusion responsable d'une hétérogénéité perfusionnelle, et parfois d'un vol vasculaire au profit du sous-épicarde provoquant une ischémie sous-endocardique.
Le débit coronaire est multiplié par 2 ou 3 par l'effort dynamique, par 4 ou 5 par le Dipyridamole et l'Adénosine et par 2 par la Dobutamine.

a) Les tests d'effort :

De multiples protocoles sont utilisés. Les plus classiques font appel au cyclo-ergomètre (30 W toutes les 3 mn...) ou au tapis roulant (Bruce...).
L'utilisation du tapis roulant comporte deux avantages importants par rapport au cyclo-ergomètre. D'une part, le patient porte son propre poids (stress plus important chez les patients avec surcharge pondérale), et d'autre part il subit l'épreuve d'effort sans la contrôler (effet d'entraînement du tapis). La fréquence cardiaque atteinte sur tapis est généralement supérieure à celle atteinte sur cycle.
Les contre-indications sont classiquement l'angor instable, les troubles du rythme sévères et le rétrécissement aortique serré.
Le test ne nécessite pas de préparation particulière.
Les critères d'arrêt sont identiques à ceux utilisés classiquement en Cardiologie. L'épreuve d'effort sera arrêtée pour des douleurs thoraciques typiques, des anomalies électrocardiographiques suspectes d'ischémie, la survenue d'une chute tensionnelle, ou une dysrythmie ventriculaire grave ou supraventriculaire mal tolérée.
En l'absence de symptôme, l'épreuve d'effort sera menée jusqu'à son terme, c'est-à-dire la fréquence cardiaque maximale théorique (220 - âge). Le traceur sera injecté au maximum de l'effort et le test sera poursuivi pendant au moins une minute afin de garder des conditions stables durant sa fixation.
La survenue d'une dyspnée, d'un épuisement musculaire, ou d'une claudication avant le maximum de l'effort conduiront à modifier le protocole d'exploration en associant le plus souvent un test pharmacologique.
Les complications des tests d'effort sont rares. Il s'agit essentiellement des troubles du rythme ventriculaire graves.
Les renseignements cliniques fournis par les tests d'effort apportent d'importantes informations diagnostiques et pronostiques. La durée de l'exercice, la charge atteinte, la fréquence et la pression artérielle au maximum de l'effort, le double produit fréquence - tension, l'existence de modifications électriques, d'une douleur thoracique ou d'une chute tensionnelle seront pris en considération lors de l'interprétation de l'examen.

b) Le test au Dipyridamole :

Le protocole est bien établi. Le Dipyridamole est injecté par voie veineuse à la dose de 0,56 mg/Kg sur 4 mn (jusqu'à 0,84 mg/Kg pour certains, mais l'intérêt des fortes doses n'est pas démontré et les effets secondaires sont plus nombreux).
Le radiotraceur est administré par voie IVD 3 à 4 mn après la fin de l'injection du Dipyridamole, au moment où l'effet du produit est maximum. Cet effet se maintient 10 mn puis la normalisation survient en 30 mn environ.
Les contre-indications se résument à l'angor instable et au bronchospasme (asthme et insuffisance respiratoire chronique).
Le test est arrêté lorsque surviennent une douleur thoracique et une positivité électrique. Les effets secondaires sont fréquents (80 %), mais le plus souvent mineurs à type de céphalées, oppression thoracique et cervicale, sensation de malaise, chaleur...
Une chute tensionnelle, un bloc auriculo-ventriculaire ou un bronchospasme sont des événements rares.
Il a été décrit de façon exceptionnelle des spasmes coronaires sous Dipyridamole. La Théophylline IVD est l'antidote spécifique. La Trinitrine en spray peut être utilisée si la douleur persiste.
Les renseignements cliniques fournis sont pauvres. En effet la survenue d'une douleur thoracique n'est pas synonyme d'ischémie myocardique. L'absence de douleur n'élimine en rien des lésions coronaires significatives.
Par contre l'association douleur et positivité électrique correspond en général à des lésions coronaires sévères.

c) Le test à l'Adénosine :

L'Adénosine est nettement moins utilisée en France que le Dipyridamole. Elle est administrée à la dose de 140 µg/Kg sur 6 mn. Le radiotraceur est injecté à la 3ème mn du protocole.
Les contre-indications, les critères d'arrêt et les renseignements cliniques fournis sont identiques à ceux du Dipyridamole.
L'Adénosine s'individualise par des effets secondaires plus fréquents (87 %), mais le plus souvent bénins, une demi-vie plasmatique courte (2 s), ce qui rend son action plus contrôlable et semble-t-il l'obtention d'une imagerie de meilleure qualité.

d) Le test à la Dobutamine :

Le protocole est actuellement bien standardisé même si de petites variations existent d'une équipe à l'autre. La perfusion débute à la dose de 5 µg/Kg/mn pendant 3 à 5 mn puis la posologie est augmentée de 5 µg/Kg toutes les 3 mn jusqu'à la dose maximum de 40 µg/Kg/mn. Le traceur est injecté 1 mn avant la fin du dernier palier. Une injection d'Atropine (0,5 à 1 mg IVD) est parfois utilisée si la fréquence atteinte est insuffisante après respect des contre-indications (glaucome, adénome prostatique).
Les contre-indications sont les mêmes que celles de l'épreuve d'effort. Des antécédents de troubles du rythme auriculaire ou ventriculaire doivent conduire à éviter ce type de test.
Les critères d'arrêt sont comparables à ceux de l'épreuve d'effort.
Les effets secondaires sont fréquents (73 %) et potentiellement graves. Les plus fréquents sont les palpitations, et les précordialgies. On peut parfois observer une hypotension sévère, et des troubles du rythme auriculaire ou ventriculaire graves. L'utilisation de bêtabloquants est parfois nécessaire pour s'opposer aux effets de la Dobutamine, en particulier en cas de troubles du rythme ventriculaire graves (Chlorhydrate d'Esmolol : Brévibloc ®).
Le test à la Dobutamine n'apporte que peu de renseignements cliniques. Cependant une positivité clinique et électrique s'associe souvent à des lésions coronaires évoluées.

e) L'association test d'effort et test au Dipyridamole (ou à l'Adénosine) :

L'augmentation de la captation splanchnique du radiotraceur causée par le Dipyridamole est réduite par la stimulation catécholergique liée à l'effort qui permet une diminution du flux sanguin splanchnique et donc une imagerie de meilleure qualité (meilleur contraste entre le coeur et les organes périphériques).
Pour certains l'association des deux tests diminuerait le seuil ischémique. Elle diminue nettement les effets secondaires du Dipyridamole.
Initialement l'injection de Dipyridamole (ou d'Adénosine) était suivie d'un effort modéré de 3 à 5 mn. La tendance actuelle est à l'injection du Dipyridamole au cours d'un effort sous-maximal. La réalisation d'un effort maximal ne semble pas apporter un gain en sensibilité.

2°) Le choix du test de provocation de l'ischémie :

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Le choix du test de provocation de l'ischémie influence fortement la qualité de l'examen scintigraphique et donc son résultat. Il sera choisi en fonction d'un certain nombre de critères parmi lesquels :
* le problème clinique que doit résoudre l'examen;
* les capacités physiques du patient;
* les contre-indications des différents tests;
* la prise de médicaments;
* l'existence d'anomalies sur l'électrocardiogramme de base ou d'effort.

L'épreuve d'effort est la méthode la plus physiologique. Elle doit être utilisée le plus souvent possible en première intention. Cependant dans de nombreux cas une épreuve d'effort maximale n'est pas possible en raison d'une incapacité physique (artérite, amputation, prothèses orthopédiques...), du manque de motivation ou de l'appréhension du patient, d'un manque d'entraînement, ou de la prise de médicaments bloquants la fréquence cardiaque (bétabloquants, anticalciques). L'âge n'est pas une limitation en soit à l'épreuve d'effort, si le patient est mis en confiance et si le protocole d'effort est adapté (Bruce modifié).
Si le patient ne peut réaliser un test d'effort maximal, un test au Dipyridamole (ou à l'Adénosine) sera réalisé, si possible couplé à une épreuve d'effort sous-maximale.
Par contre des anomalies électrocardiographiques telles un bloc de branche gauche, ou un électro-entraînement doivent conduire à éviter les tests d'effort , et à préférer un test au Dipyridamole seul (ou à l'Adénosine).
L'utilisation de la Dobutamine doit être réservée aux seuls patients pour lesquels l'épreuve d'effort n'est pas réalisable et pour lesquels une contre-indication à l'utilisation du Dipyridamole existe (bronchospasme).

3°) Conduite à tenir vis à vis des traitements anti-ischémiques :

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Lorsque l'examen doit résoudre un problème d'ordre diagnostic, il est indispensable d'arrêter les médicaments en prescrivant au patient de la Trinitrine en spray en cas de douleur jusqu'au test. Les bétabloquants seront diminués progressivement, puis arrêtés 48 h avant. Les anticalciques à durée d'action longue seront arrêtés 48 h avant. Les dérivés nitrés et les anticalciques à durée d'action brève ne seront stoppés que la veille du test.
Lorsqu'il s'agit d'une évaluation thérapeutique, il est indispensable de discuter au préalable avec le clinicien de l'intérêt du maintien du traitement. Une revascularisation complète nécessitera le plus souvent son arrêt. Par contre une revascularisation incomplète demandera souvent la poursuite du traitement.

4°) Préparation des patients :

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Le patient prendra le matin de l'examen un petit déjeuner léger.
Pour les tests d'effort, une voie veineuse avec entretien par une perfusion de sérum salé physiologique est mise en place pour permettre l'injection du radiotraceur. Dans tous les cas, une surveillance électrocardiographique et tensionnelle sera maintenue pendant toute l'épreuve d'effort et en phase de récupération.
Lors d'un test au Dipyridamole ou à l'Adénosine, la voie veineuse permet l'administration des différents produits. La Théophylline et les substances phyllines-like (café, thé, chocolat) doivent être obligatoirement arrêtées au moins 24 h avant le test. En effet ces substances bloquent les récepteurs à l'Adénosine et donc s'opposent aux effets du Dipyridamole. Les traitements anti-ischémiques ne doivent pas nécessairement être arrêtés avant le test. La prise de Dipyridamole per os peut favoriser l'apparition d'un spasme bronchique serré et doit donc être arrêtée 72 h avant.
Pour le test à la Dobutamine, il est nécessaire de mettre en place deux voies veineuses, l'une pour administrer la Dobutamine et l'autre pour injecter le radiotraceur. Les bétabloquants doivent être arrêtés au moins 48 h à 72 h avant du fait de leur effet antagoniste.
Les tests pharmacologiques comportent au moins autant de risque qu'un test d'effort, ce qui justifie une surveillance clinique, électrocardiographique, et tensionnelle, la présence d'un matériel de réanimation et d'un personnel entraîné dans la salle d'exploration.

III - Les radiotraceurs utilisés :

Le principe de la scintigraphie myocardique repose sur la captation sélective intracellulaire d'un traceur radioactif. Cette captation est proportionnelle au débit sanguin coronaire loco-régional. En tomoscintigraphie aucun traceur ne permet de mesurer la perfusion absolue (en ml/mn/g de tissu). On observe donc une distribution myocardique relative en fonction des débits coronaires régionaux (carte des débits).

1°) Les radiopharmaceutiques :

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Deux types de radiotraceurs sont actuellement utilisés : le Thallium 201, et les traceurs technétiés.

a) Le Thallium 201 :

C'est le premier traceur utilisé et le plus utilisé. Le chlorure de thallium est un analogue du potassium. Il entre dans la cellule myocardique grâce à un mécanisme actif lié à la pompe Na+ K+ ATPase. Sa distribution est sensiblement proportionnelle au flux sanguin coronaire. Le Thallium 201 est injecté au pic de l'exercice. La fraction extraite au premier passage est estimée à 85 - 88 %. Seuls 4 % de la dose injectée se fixent sur le myocarde. Le reste est capté essentiellement par les muscles squelettiques, l'estomac, et les intestins.
L'acquisition est réalisée rapidement après (moins de 5 mn), de façon à ce que les images reflètent uniquement la perfusion myocardique. Après captation et fixation par le myocyte, le Thallium 201 est libéré. Sa concentration myocardique s'équilibre de façon dynamique avec sa concentration sanguine (redistribution).
Captation et élimination du Thallium 201 varient à l'exercice entre les zones ischémiques et les zones non ischémiques. Dans les zones non ischémiques, la captation est élevée et l'élimination est rapide et intense. Dans les zones ischémiques, la captation est faible et retardée et l'élimination est ralentie. Dans les zones infarcies la captation est très faible, voire absente.
Le Thallium 201 est un émetteur de photons g d'énergie 135 et 167 KeV (12 % d'abondance) et de rayonnements X d'énergie 67 à 82 KeV (88 % d'abondance). Sa demi-vie physique est relativement longue (72 h).
Si ses propriétés métaboliques sont très satisfaisantes, ses propriétés physiques n'en font pas un excellent traceur. Il est assez mal adapté à la détection par les gammacaméras actuelles (forte atténuation tissulaire et forte diffusion du rayonnement, mauvais contraste entre le cœur et les organes voisins).

b) Les dérivés technétiés :

Actuellement deux radiotraceurs marqués au Technétium 99m sont utilisés en pratique courante, le MIBI ou Sestamibi (Cardiolite ®), et la Tetrofosmine (Myoview ®). Ils sont fixés par le myocyte et restent piégés sans doute au niveau des mitochondries grâce à un gradient de potentiel transmembranaire. Leur fixation est proportionnelle au débit sanguin coronaire et parait peu dépendante du métabolisme myocardique. Il n'existe pas d'élimination myocardique significative du produit. Il est donc nécessaire de pratiquer deux injections séparées au repos et à l'effort. Leur extraction au premier passage est plus faible que celle du Thallium 201. Elle est de l'ordre de 50 à 65 %. La fixation myocardique à l'effort est d'environ 1,5 % de la dose injectée. L'acquisition doit être retardée par rapport à l'injection pour diminuer la fixation pulmonaire et surtout hépatique du traceur (amélioration du contraste).
Le Technétium 99 m est un émetteur de photons g de 140 KeV d'énergie. Sa demi-vie physique est courte (6 h). Ses propriétés physiques sont très bien adaptées à la détection par les gammacaméras actuelles (atténuation tissulaire faible et diffusion faible du rayonnement, meilleur contraste entre le coeur et les organes voisins), ce qui permet une meilleure qualité des images et donc facilite l'interprétation.

2°) La réalisation de l'examen scintigraphique en fonction du traceur utilisé :

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La réalisation d'une scintigraphie myocardique nécessite deux séances successives d'acquisition. Cette imagerie ne se fait pratiquement plus qu'en mode tomoscintigraphique. La procédure est différente en fonction du radiotraceur utilisé.
Pour le Thallium 201 la durée totale de l'examen est d'environ 5 h. Le test de provocation de l'ischémie est d'abord réalisé, suivi dans les cinq minutes de l'acquisition post-stress. Le radiotraceur est injecté à la dose de 0,05 mCi/Kg 1 mn avant la fin du stress (durée totale environ 1 h). La deuxième acquisition dite en redistribution a lieu 4 h après l'injection du radiotraceur. En fonction du contexte clinique on réinjecte parfois 1 mCi de Thallium 15 à 20 mn avant (durée 30 mn environ).
Pour les produits technétiés la durée de l'examen est fonction du protocole.
Le protocole sur un seul jour dure environ 4 h. On réalise une acquisition au repos 30 à 60 mn après l'injection de 10 mCi de radiotraceur. Le stress est pratiqué après le repos et l'acquisition post-stress est réalisée 60 mn après l'injection en cours de stress de 30 mCi de radiotraceur. La prise de laitages sera favorisée entre les injections et les acquisitions pour augmenter la clairance biliaire du radiotraceur.
Le protocole sur deux jours consiste à réaliser sur deux jours distincts l'acquisition au repos et l'acquisition après stress. Ce protocole est certainement meilleur mais il est difficile à mettre en pratique (patients éloignés du service).
Plusieurs centres utilisent un protocole mixte associant une imagerie au repos 20 à 30 mn après l'injection de 2 à 3 mCi de Thallium, suivie d'une acquisition post-stress environ 1 h après l'injection d'un radiotraceur technétiés.
Sur le plan pratique, il est mieux de réaliser la tomoscintigraphie en procubitus pour éviter les problèmes d'atténuation portant sur la paroi inférieure (atténuation postéro-diaphragmatique). Ce type d'atténuation prédomine chez l'homme. Chez la femme l'atténuation porte essentiellement sur la paroi antérieure (atténuation mammaire), ce qui peut conduire à réaliser la tomoscintigraphie en décubitus dorsal.

3°) Le choix du radiotraceur :

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Le Thallium 201 est un bon marqueur de perfusion et de viabilité. Son utilisation dans l'évaluation du pronostic des coronariens est bien établie. Les traceurs technétiés sont des traceurs sélectifs du flux sanguin myocardique. Pour le diagnostic de la maladie coronaire ils sont comparables au Thallium 201. Par contre ils ne permettent pas de montrer de façon fiable la viabilité myocardique. Les données quant au pronostic semblent leur conférer une valeur identique à celle du Thallium 201.
Les radiotraceurs technétiés permettent les études au premier passage au repos et à l'effort (détermination de la fraction d'éjection), et les études synchronisées à l'électrocardiogramme en mode planaire et surtout en tomoscintigraphie (cinétique segmentaire, fraction d'éjection).
La faible atténuation tissulaire des radiotraceurs technétiés en fait des traceurs idéaux pour explorer les patients obèses.

IV - Les résultats de la scintigraphie myocardique :

1°) Corrélation entre images scintigraphiques et anomalies coronarographiques :

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Si le plus souvent les troubles perfusionnels scintigraphiques s'associent à des lésions coronaires, on observe parfois des discordances importantes entre les résultats des deux examens. Une scintigraphie myocardique normale peut s'associer à des lésions coronaires décrites comme sévères. Inversement, on peut rencontrer l'association coronarographie normale et scintigraphie myocardique franchement pathologique. Il peut bien sûr s'agir d'un faux négatif ou d'un faux positif de l'examen isotopique. Mais cette dissociation s'explique le plus souvent par la nature différente des renseignements apportés par les deux techniques.
La coronarographie fournie en effet des informations d'ordre morphologique : présence ou non de lésions coronaires; estimation du caractère sévère ou non de ces lésions. Toutefois l'aspect angiographique des sténoses coronaires est loin d'être suffisant pour évaluer leur retentissement hémodynamique ou leur potentiel évolutif. Si le flux coronaire maximal est parfois diminué pour des sténoses atteignant 50 % de la section de l'artère, des sténoses considérées comme plus sévères angiographiquement peuvent ne pas entraîner d'ischémie myocardique. Par contre, des sténoses peu serrées, mais en série, sur la même artère coronaire peuvent compromettre de façon importante la circulation coronaire.
D'autre part l'évaluation du degré de sténose en angiographie coronaire est entachée d'erreurs (problème du segment artériel de référence, évaluation des sténoses complexes...). Les méthodes de quantification, plus fiables et reproductibles que la lecture visuelle, sont loin d'avoir résolu tous ces problèmes. Enfin la coronarographie est aveugle aux troubles de la distalité (troubles de la microcirculation).
Sur le plan pronostic, les sténoses les plus serrées ne sont pas forcément celles qui vont provoquer une nécrose myocardique. Deux tiers des infarctus sont en effet liés à la complication d'une lésion non significative (rupture de plaque et thrombose).
La scintigraphie myocardique apporte quant à elle des informations d'ordre fonctionnel : estimation de la réserve coronaire, qui est la différence entre le débit coronaire basal et le débit après vasodilatation coronaire maximale. La réserve coronaire évalue la signification hémodynamique d'une sténose.
Loin d'être antagonistes ces deux techniques sont donc très complémentaires. L'utilisation de la scintigraphie myocardique modifie très fortement la stratégie du diagnostic, de l'évaluation du pronostic et du traitement des cardiopathies ischémiques. Elle sélectionne les patients vraiment ischémiques et donc menacés sur le plan pronostic, pour lesquels un geste thérapeutique est nécessaire.

2°) L'interprétation des images scintigraphiques :

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Il existe plusieurs niveaux d'interprétation qui permettront d'aboutir au résultat final :
* interprétation visuelle des images,
* interprétation semi-quantitative des images,
* utilisation de critères annexes,
* intégration dans le contexte clinique.

a) L'interprétation visuelle des images scintigraphiques :

A l'état normal, la fixation du radiotraceur est sensiblement homogène sur l'ensemble du myocarde. Elle est identique au repos et après stress. Une hypofixation après stress réversible au repos signe l'ischémie myocardique. Une hypofixation après stress non réversible au repos témoigne d'une nécrose myocardique.
Les choses sont cependant plus complexes. En effet, la vitesse de réversibilité de l'ischémie post-stress est inversement proportionnelle à son intensité et/ou à sa durée. Une ischémie sévère peut donc parfois se traduire par une hypofixation profonde post-stress peu ou pas réversible au repos. A l'opposé une nécrose myocardique rudimentaire peut se traduire par une hypofixation post-stress plus ou moins intense avec réversibilité partielle au repos.

b) L'interprétation semi-quantitative des images scintigraphiques :

Il existe deux méthodes de semi-quantification des images scintigraphiques qui comparent l'activité de coupes petit axe au repos et après stress.
Les profils circonférentiels font appel à des courbes représentant le maximum d'activité sur toute la circonférence de chaque coupe petit axe. De plus la clairance du Thallium peut être obtenue en comparant la fixation post-stress et au repos.
Les bull's eyes présentent l'activité des différentes coupes petit axe de façon concentrique avec la coupe apicale au centre et la coupe basale en périphérie.
L'utilisation d'une méthode de semi-quantification semble augmenter un peu la sensibilité, mais diminue la spécificité. Ces techniques ne peuvent être qu'un appoint à l'interprétation.

c) Les critères annexes :

Ils sont au nombre de trois.
La fixation pulmonaire du Thallium analyse le rapport d'activité poumon/myocarde après stress. Sa valeur normale est d'environ 0,33. Une valeur supérieure à 0,50 est franchement pathologique. La mesure du rapport poumon/myocarde est moins fiable après test pharmacologique, en particulier après Dipyridamole. La taille du ventricule gauche est analysée de façon visuelle à l'effort ou après test pharmacologique et au repos.
La fraction d'éjection ventriculaire gauche peut être déterminée au repos et/ou à l'effort. Pour le Thallium 201, elle est mesurée à l'équilibre après la scintigraphie myocardique (ventriculographie de repos), ou de façon séparée (ventriculographie d'effort). Elle peut être déterminée au premier passage ou par tomoscintigraphie synchronisée à l'électrocardiogramme avec les produits technétiés.

d) L'intégration du contexte général :

Les symptômes, les facteurs de risque, l'âge, le sexe, les traitements en cours, éventuellement les données morphologiques (coronarographie ?), et les données du test de stress (douleur, modifications électriques ?) doivent être pris en considération dans l'interprétation définitive de l'examen scintigraphique. Cependant, le théorème de Bayes qui dit que la valeur prédictive d'un test diagnostic dépend non seulement des performances du test (sensibilité et spécificité), mais également de la prévalence de la maladie chez le patient considéré ne peut être appliqué tel quel. En effet la prévalence pré-test ne peut être tirée des abaques de Diamond et Forrester car elles ont été établies pour une population américaine qui n'est pas représentative de la population française. De plus les performances diagnostiques de la scintigraphie myocardique ne sont pas toujours précisément établies dans chaque centre. Cette démarche Bayésienne n'est donc le plus souvent qu'intuitive.

3°) Les résultats en fonction du contexte clinique :

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a) Le diagnostic d'ischémie myocardique :

Dans la stratégie d'exploration l'épreuve d'effort est le premier examen à pratiquer. Elle est simple à réaliser, peu coûteuse, et toujours disponible. Son résultat entre dans l'estimation de la probabilité pré-test avant la scintigraphie myocardique. Cependant, il existe des situations où les capacités physiques du patient ou des anomalies de l'électrocardiogramme ne permettent pas l'exécution ou l'interprétation de l'épreuve d'effort. Il convient donc de passer directement aux explorations isotopiques ou éventuellement à l'échocardiographie de stress.
Chez un patient avec probabilité pré-test élevée, une scintigraphie myocardique positive affirme pratiquement la présence de lésions coronaires. La coronarographie s'impose. Par contre si l'examen est négatif, on ne peut éliminer formellement cette hypothèse (il peut s'agir d'un faux négatif).
A l'opposé, si la probabilité pré-test est basse, une scintigraphie myocardique négative éliminera quasiment une maladie coronaire. La coronarographie est inutile. Par contre si l'examen est positif on ne peut affirmer qu'il s'agit d'une maladie coronaire (il peut s'agir d'un faux positif).
L'intérêt maximum de l'imagerie perfusionnelle se rencontre chez les patients avec probabilité pré-test intermédiaire d'avoir une maladie coronaire. En effet, dans ce groupe, l'examen isotopique différenciera efficacement les patients coronariens des non coronariens. La scintigraphie myocardique ne doit pas être considérée comme un moyen de dépistage de la maladie coronaire chez des patients asymptomatiques. Par contre elle peut être utile chez certains patients dont le contexte clinique ou le mode de vie imposent d'éliminer une ischémie myocardique silencieuse. Il peut s'agir par exemple de patients présentant des facteurs de risques sévères, tels un diabète, ou une hypercholestérolémie, des sportifs de plus de 40 ans ou encore des personnes occupant des postes à risque (après un test d'effort litigieux ou positif).
En phase aiguë d'infarctus, la scintigraphie myocardique n'a que peu d'intérêt. Elle peut cependant mettre en évidence une nécrose myocardique dans les cas où les autres techniques sont prises en défaut (période post-opératoire). Dans le post-infarctus la scintigraphie myocardique évalue le territoire nécrosé (localisation, taille, caractère transmural ou rudimentaire, viabilité) et permet de mettre en évidence une ischémie myocardique dans la zone péri-infarctus ou dans un autre territoire.
En chirurgie non cardiaque, mortalité et morbidité péri-opératoires sont souvent liées à un problème coronarien sous-jacent. En chirurgie vasculaire les lésions artérielles périphériques sont fréquemment associées à une maladie coronaire asymptomatique ou non (environ 50 % des cas). Il est donc nécessaire d'évaluer le risque cardiaque. La scintigraphie myocardique est le moyen le plus fiable d'évaluer ce risque et de prévoir la stratégie à adopter. En effet, si la scintigraphie myocardique est normale ou montre des défects non réversibles, il n'existe qu'un faible risque que surviennent des événements cardiaques péri-opératoires. En cas d'antécédents d'infarctus, il conviendra cependant d'évaluer les risques rythmiques et hémodynamiques. Par contre si la scintigraphie myocardique met en évidence des défects réversibles il existe un risque élevé. Cependant, une ischémie peu intense pourra être traitée médicalement, alors qu'une ischémie intense et/ou étendue fera l'objet d'une exploration coronarographique et d'une revascularisation myocardique pré-opératoire. Le résultat de l'examen isotopique s'intègre aux autres éléments du bilan pré-opératoire (âge, antécédents cardio-vasculaires, diabète...), pour optimiser la stratégie du risque et envisager la conduite à tenir (revascularisation myocardique), ou la prise en charge pré, per et post-opératoire (monitorage de l'électrocardiogramme ou des pressions de remplissage ...).

b) L'évaluation du caractère significatif d'une sténose coronaire :

La scintigraphie myocardique permet d'évaluer le caractère hémodynamiquement significatif d'une lésion coronaire jugée peu à modérément serrée sur la coronarographie, que cette sténose soit isolée ou associée à des lésions plus sévères. Elle peut établir une hiérarchie des territoires ischémiques pour aider à choisir les séquences d'angioplastie.
Cette évaluation oriente le traitement. L'absence d'ischémie myocardique plaide pour l'abstention thérapeutique. Les patients porteurs d'une ischémie myocardique peu intense et peu étendue, peu menacés sur le plan pronostic, répondront certainement à un traitement médical plus ou moins complexe. Par contre les patients porteurs d'une ischémie intense et/ou étendue, qui sont indiscutablement menacés sur le plan pronostic, devront subir une revascularisation myocardique par angioplastie ou pontage aorto-coronaire.

c) L'évaluation des traitements :

Le but du traitement de l'insuffisance coronaire est d'une part la disparition des symptômes, et d'autre part l'amélioration du pronostic du patient et en particulier la diminution du risque d'infarctus et de mort subite.
1) Le traitement médical :
Le traitement médical de l'insuffisance coronaire a longtemps été le seul traitement de cette affection. Son efficacité n'est plus à démontrer. L'arsenal thérapeutique se renforce régulièrement, cependant il ne permet pas de contrôler tous les patients. Une vérification systématique par radio-isotopes de l'efficacité du traitement médical n'est pas justifiée.
Cependant dans quelques cas particuliers (doute sur son efficacité...), un contrôle en fonction de la symptomatologie pourra éventuellement être réalisé.
2) L'angioplastie coronaire :
Après l'angioplastie, le diagnostic de resténose est difficile. Elle survient dans environ un tiers des cas, le plus souvent dans les six mois qui suivent l'angioplastie. Toutefois, ce chiffre varie grandement en fonction de multiples critères (type d'artère dilatée, caractères de la sténose, difficultés techniques durant le geste, sexe, âge, diabète...). La mise en place de stents coronaires a nettement diminué le pourcentage des resténoses, mais n'a pas résolu tous les problèmes.
La réapparition de douleurs thoraciques typiques signe habituellement la resténose. Par contre des douleurs atypiques ou des anomalies de l'électrocardiogramme de repos ou d'effort peuvent se rencontrer alors même que l'artère reste perméable. D'autre part des resténoses angiographiquement sévères peuvent rester asymptomatiques (les resténoses sont asymptomatiques chez 40 à 60 % des patients).
La scintigraphie myocardique possède de bien meilleures performances que l'épreuve d'effort. De plus elle a un intérêt topographique chez les pluritronculaires avec revascularisation incomplète (ischémie dans le territoire de l'artère dilatée ?). Une scintigraphie myocardique normale après angioplastie est un élément de bon pronostic à moyen terme. La scintigraphie myocardique a d'autre part un excellent rapport côut-efficacité pour le diagnostic de resténose.
L'évaluation fonctionnelle des résultats ne doit cependant pas être faite avant la 4ème semaine après l'angioplastie pour éviter les faux positifs.
3) Les pontages aorto-coronaires :
Précocement après le pontage, la scintigraphie myocardique peut montrer une ischémie myocardique qui signe une revascularisation incomplète (référence pour le suivi), ou une nécrose per ou post-opératoire liée à une complication du geste chirurgical. Lors du suivi du patient une ischémie myocardique témoignera d'un dysfonctionnement d'un ou de plusieurs pontages (valeur localisatrice de l'examen).

d) La recherche de viabilité :

La durée et la profondeur d'une ischémie déterminent des lésions myocardiques plus ou moins réversibles.
Une ischémie de courte durée et/ou modérément intense va créer un état transitoire et spontanément réversible que l'on désigne sous le terme de sidération. La sidération associe une perfusion régionale normale (ou diminuée), une activité métabolique conservée, et une fonction contractile nulle. Ce phénomène se rencontre dans les minutes qui suivent une crise d'angine de poitrine. Sa réversibilité sera d'autant plus lente que l'ischémie aura été plus prolongée et/ou intense. La présence d'une sidération ne nécessite pas en soit une intervention thérapeutique, mais la cause doit être traitée pour éviter la répétition des phénomènes de sidération et le passage à la chronicité de l'ischémie et donc à l'état d'hibernation.
Une ischémie intense et/ou prolongée ou la répétition de façon très rapprochée d'épisodes d'ischémie conduisent à l'état d'hibernation myocardique qui est durable et non réversible spontanément. L'hibernation associe un effondrement de la perfusion régionale, une activité métabolique conservée et une fonction contractile nulle. Ce phénomène se rencontre dans la nécrose myocardique, dans l'angor instable ou dans des territoires myocardiques dépendant d'artères coronaires sub-occluses. Le myocarde garde potentiellement la capacité de récupérer une fonction contractile correcte après une intervention de revascularisation. Il s'agit d'un diagnostic a posteriori qui ne sera confirmé que lorsque la fonction contractile s'améliorera. Le diagnostic de viabilité est surtout important dans les cardiopathies ischémiques évoluées avec dysfonction ventriculaire gauche sévère pour lesquelles un geste de revascularisation peut nettement améliorer le pronostic.
Sidération et hibernation s'associent très souvent au sein des mêmes lésions (nécrose myocardique, ischémie chronique).
Enfin lorsque l'ischémie est trop intense et trop prolongée, survient la nécrose myocardique transmurale irréversible. La perfusion régionale, l'activité métabolique et la fonction contractile sont effondrées.
La scintigraphie permet de détecter la viabilité myocardique. Cette recherche fait appel au Thallium 201. Les traceurs technétiés n'ont pas pour l'instant fait la preuve de leur aptitude à diagnostiquer le myocarde viable. Après le stress, la fixation initiale du Thallium 201 est le reflet de la perfusion régionale. La rétention du Thallium ou l'extraction de Thallium supplémentaire sur les 3 ou 4 heures qui suivent (redistribution) est un processus actif fonction de l'intégrité de la membrane cellulaire et de la viabilité cellulaire. Deux protocoles font actuellement référence en matière de viabilité.
Lorsque l'on veut rechercher à la fois la viabilité d'une zone infarcie et une ischémie dans un autre territoire, on utilise le protocole associant stress, redistribution 4 h après, puis nouvelle acquisition après réinjection (ou éventuellement redistribution tardive 24 h après).
Lorsque seule la viabilité est recherchée, il faut utiliser le protocole repos et redistribution (acquisition au repos 20 mn après l'injection de Thallium et après redistribution à la 4ème h).
L'utilisation d'une méthode de semi-quantification augmente la sensibilité de détection de la viabilité. Le myocarde est dit viable si l'hypofixation après stress n'est pas trop profonde (plus de 50 % du maximum d'activité) et/ou si elle est réversible (redistribution) sur les images de repos, après réinjection, ou tardives.
La mise en évidence d'une viabilité est le témoin d'un myocarde à risque, et doit conduire à une revascularisation chaque fois qu'elle est techniquement possible. En effet, un traitement médical seul s'associe à une majoration du nombre d'événements majeurs. Par contre s'il n'existe pas de viabilité une revascularisation inutile s'associe à une surmortalité.
D'autres méthodes isotopiques permettent de détecter la viabilité myocardique, mais restent encore pour une grande part du domaine de la recherche. L'analyse du métabolisme des acides gras marqués à l'Iode 123 semble avoir une meilleure sensibilité. Elle doit être réalisée après la scintigraphie myocardique au Thallium 201. La référence reste l'étude en positron. Elle permet à la fois l'analyse du flux sanguin absolu et de l'activité métabolique myocardique.

e) L'évaluation du pronostic d'une cardiopathie ischémique :

Le pronostic à long terme dépend de la sévérité de la maladie coronaire. L'évaluation objective de cette sévérité est difficile. Il est actuellement bien établi que l'angiographie coronaire est une méthode insuffisante pour évaluer le pronostic fonctionnel de la maladie. Certes plus le nombre de lésions coronaires est important, plus le pronostic est mauvais. Les patients porteurs de lésions tritronculaires ont le plus mauvais pronostic. Cependant ce groupe n'est pas homogène. La scintigraphie myocardique permet de mettre en évidence des sous-groupes de pronostic différent.
Un excellent pronostic s'attache à une scintigraphie myocardique de stress normale que le patient soit symptomatique ou non, qu'il soit porteur de lésions coronaires ou non. La fréquence des décès ou des infarctus est comparable à celle rapportée dans la population générale (0,5 à 1 %/an sur des études de plus de mille patients avec un suivi de trois ans).
Par contre une scintigraphie myocardique anormale s'accompagne d'un mauvais pronostic. Plus les anomalies sont importantes, plus le pronostic est mauvais.
L'évaluation du pronostic des cardiopathies ischémiques par méthode isotopique prend en compte quatre paramètres :
* les défects (localisation, nombre, extension, profondeur, réversibilité),
* la fixation pulmonaire (pour le Thallium 201),
* la dilatation ventriculaire gauche (après stress et/ou au repos),
* la fraction d'éjection ventriculaire gauche (au repos et/ou après stress).
1) Les défects :
La localisation, le nombre, la taille et la profondeur des anomalies scintigraphiques de stress reflètent la localisation, l'extension et la sévérité des sténoses fonctionnellement significatives.
L'étendue et la sévérité des défects constatés après le stress sont des prédicteurs indépendants d'événements cardiaques à un an chez des patients porteurs d'une maladie coronaire sans infarctus dans le passé. Le caractère réversible de l'ischémie permet de prévoir une amélioration de la symptomatologie et du pronostic après un geste de revascularisation.
Un à trois ans après une revascularisation, une hypofixation étendue avec redistribution est un facteur prédictif puissant d'événements coronariens.
Après un infarctus, l'étendue de l'hypofixation constatée sur la scintigraphie myocardique est plus prédictive des événements coronariens ultérieurs que la présence d'un angor ou d'un sous-décalage de ST ou même que l'étendue des lésions angiographiques. L'examen isotopique a une valeur pronostique presque aussi importante que celle de la fraction d'éjection ventriculaire gauche au décours d'un infarctus.
2) La fixation pulmonaire :
Dans les cardiopathies ischémiques, une majoration de la fixation pulmonaire du thallium 201 après le stress (rapport poumon/myocarde) est liée à une stase pulmonaire secondaire à une augmentation de la pression télédiastolique ventriculaire gauche, elle-même en rapport avec une ischémie liée au stress. Elle signe souvent une atteinte coronaire sévère, volontiers multitronculaire. La majoration de la fixation pulmonaire du Thallium 201 s'accompagne d'une augmentation du risque de complications. Elle n'est cependant pas pathognomonique de l'insuffisance coronaire sévère, puisqu'on peut la rencontrer dans les cardiopathies non ischémiques évoluées, et dans les maladies pulmonaires avec hypertension artérielle pulmonaire.
3) La dilatation ventriculaire gauche :
Une dilatation ventriculaire gauche transitoire à l'effort ou après test pharmacologique est corrélée à une atteinte multivasculaire. Elle témoigne d'une ischémie myocardique sévère liée au stress. La dilatation du ventricule gauche permanente au repos et après stress plaide en faveur d'une dysfonction ventriculaire gauche marquée et non spontanément réversible.
4) La fraction d'éjection ventriculaire gauche :
La valeur de la fraction d'éjection ventriculaire gauche au repos est un des déterminants les plus importants du pronostic à long terme chez les patients avec maladie coronaire chronique stable. Sa diminution s'accompagne d'une augmentation du risque de mortalité. Un chiffre inférieur à 30-35 % s'associe à un très mauvais pronostic à court terme.
La valeur de la fraction d'éjection permet de plus de guider les indications thérapeutiques (inhibiteurs de l'enzyme de conversion chez les patients asymptomatiques), les décisions chirurgicales, le niveau d'activité conseillé aux patients, et la reprise du travail.
La diminution de la fraction d'éjection ventriculaire gauche à l'effort est un indicateur de la sévérité de la maladie coronaire chronique. Elle est associée à une plus faible survie à 3 ans. Le pic de fraction d'éjection (valeur absolue) semble mieux corrélé à la survie sur les 2 à 5 ans.

La valeur diagnostique et pronostique du test n'est pas influencée par le type de traceur utilisé (Thallium 201 ou produits technétiés), ou par le type de stress employé (effort et/ou tests pharmacologiques). Chez la femme, comme chez l'homme, une scintigraphie myocardique normale correspond à un bon pronostic (0,5 %/an d'évènements cardiaques). En présence d'un bloc de branche gauche la scintigraphie myocardique garde sa valeur pronostique si le Dipyridamole est la technique de stress utilisée. Par contre chez le diabétique à risque, la scintigraphie myocardique est d'un apport pronostic plus limité que dans la population générale. Un examen normal ne peut être considérée comme un gage de bon pronostic dès que le patient présente outre un diabète, deux facteurs de risque ou plus.

V - Conclusion :

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La scintigraphie myocardique fait appel à des tests de provocation de l'ischémie qui entraînent soit une augmentation de la consommation myocardique en oxygène (effort, Dobutamine), soit une vasodilatation coronaire directe (Dipyridamole, Adénosine). Ces deux mécanismes peuvent être associés (effort et Dipyridamole).
Deux types de radiotraceurs sont actuellement utilisés, le Thallium 201 et les produits technétiés. Ils sont sensiblement équivalents. Cependant, seul le Thallium 201 est utilisable pour la recherche de viabilité myocardique.
Avant la réalisation de l'examen, il est indispensable de connaître le problème clinique à résoudre, les antécédents du patient, les traitements en cours, la prise de phyllines-like, la présence d'anomalies électrocardiographiques de repos ou d'effort. En effet, de tous ces éléments dépendront non seulement le type de stress et de radiotraceur utilisés, mais également le protocole d'acquisition. La prise en compte de toutes ces informations optimise fortement la puissance du test.
La scintigraphie myocardique fait partie intégrante du bilan des cardiopathies ischémiques car elle permet l'évaluation du diagnostic, du pronostic, et de l'efficacité des traitements dans les cardiopathies ischémiques et la recherche de la viabilité myocardique. Les renseignements d'ordre fonctionnel qu'elle apporte font qu'elle prolonge en amont les informations cliniques et du test d'effort, et qu'elle précise en aval les renseignements morphologiques apportés par l'angiocoronarographie.
Une validation de la technique par de grandes études, un rapport coût-efficacité avantageux, une plus grande disponibilité de l'examen du fait de l'augmentation du nombre de centres, et une plus étroite collaboration entre Cardiologues et Isotopistes qui permet une confrontation des informations et une optimisation des résultats, sont les conditions qui assurent à la scintigraphie myocardique un rôle clé dans le bilan des cardiopathies ischémiques.

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Date de création : 14/07/98
Date de mise à jour : 02/05/99